vendredi 22 février 2008

De l'embargo culturel.

Dans un tout récent article du Monde (1), Marek Halter s'en prend à la pétition lancée par un groupe d'intellectuel "pour le boycott des écrivains israéliens invités d'honneur cette année de la Foire Internationale du livre de Turin". Ce boycott, destiné "à punir une littérature pour la politique d'un gouvernement" est ensuite rapproché des persécutions de Caligula, de l'inquisition espagnoles et des autodafés nazis car "tous ceux qui voulaient la mort des juifs étaient-ils amenés à commencer par détruire leurs livres."

On remarquera dans cet article d'un écrivain qui se dit "horrifié" (il était déjà en colère; il y a moins de chemin à faire), qu'il ne cherche à aucun moment à imaginer quels pourraient être les raisons d'un tel boycott. Par contre, le crime est encore rapproché de "ceux qui veulent la destruction d'Israel" et des "étudiants négationnistes de Rome". Point n'est besoin de décrire d'avantage cet article ; superficiel et enflé, il donne un goût amer comme chaque fois que l'histoire tragique de la persécution des juifs, et particulièrement du crime à nul autre pareil de la Shoah, est utilisée avec indécence, en exploitant la sympathie que l'on éprouve naturellement pour ses victimes, pour justifier ce qui ne les concerne en rien comme, par exemple, la politique actuelle de l'Etat d'Israel.

On reviendra plutôt sur le fond du problème : à savoir faut-il utiliser l'arme de l'embargo artistique contre un pays dont la politique à fait l'objet de sévères condamnations sur la scènes internationales et qui refuse de se soumettre aux résolutions du conseil de sécurité de l'ONU ?

Ces lignes n'ont pas l'ambition de déterminer si un embargo économique est de nature à changer la politique menée par un gouvernement et si une telle action est souhaitable. Divers cas récent (l'Afrique du Sud, la Yougoslavie, l'Irak, l'Iran) plaident pour des opinions diverses. Par contre il nous apparaît évident qu'un embargo culturel à l'encontre d'un pays ne peut être que contre-productif et cela pour deux raisons :
- d'une part on prend le risque d'étouffer les voix qui dans le pays plaident pour le changement;
- d'autre part, en réprimant la création artistique, on réprime aussi la liberté d'expression et l'on renforce ainsi le pouvoir des tyrans. Pire, la culture constituant, avec justesse, la fierté d'un peuple, le refoulement de l'expression artistique ne peut manquer de rassembler les citoyens dans l'incompréhension et la condamnation des sanctions et dans un sentiment de persécution; deux sentiments propres à faire perdurer l'état des choses dans ce pays.

On suggèrera peut-être de ne faire qu'un embargo sélectif : permettre certains artistes, certains auteurs (les bons) de s'exprimer à l'étranger et refuser les autres (les méchants). Idée séduisante mais qui aurait autorité pour cette censure ? Les pays du conseil de sécurité ? L'ONU ? La réponse est que la censure est par elle-même débilitante (en ce qu'elle être contenu dans aucune limite; un précédent de censure artistique aboutira bientôt à la volonté de l'étendre à d'autres secteurs) et qu'il vaut mieux laisser diffuser du matériel artistique même politiquement condamnable plutôt que de perdre son âme à censurer.

En résumé, l'auteur de ces lignes s'oppose à la pétition soutenant un boycott des écrivains israéliens à Turin. Ce moyen de pression est au mieux dangereux, au pire contre-productif. On en déduira un principe de la liberté de création artistique que l'on formulera ainsi :
Un artiste peut se mêler de politique mais un politicien ne devrait jamais se mêler d'art.

(1) Marek Halter, 'Au secours, on brûle les livres !', Le Monde, 15 février 2008.

Aucun commentaire: