lundi 6 juillet 2009

Romans olipotiens

- Ecrire un roman qui n'aurait qu'une seule phrase.
- Ecrire un roman donc chaque phrase n'aurait qu'un mot.

mercredi 1 juillet 2009

Les mondes multiples

Dans les lapins de M. Shrödinger, Colin Bruce écrit: "Le trait principal des mondes multiples (qui donnent selon l'auteur la meilleure explication à certains résultats paradoxaux de la physique quantique) [...] est l'immensité de la multiplicité qu'implique la théorie" et il cite Paul Davies "si la théorie des mondes multiples obéit au rasoi d'Ockham par son économie d'hypothèses, elle est immensément extravagante dans le nombre de monde qu'elle sous-entend." Puis il ajoute "Est-il plus sensé de préférer moins d'hypothèses ou moins de monde invisibles?" (1)

Colin Bruce répond à cette opposition majeure à la théorie des multivers (lui-même l'a qualifié, nous l'avons vu, de trait principal) en présentant "d'excellents précédents demontrant l'intérêt qu'il y a à préférer l'économie d'hypothèses à l'économie de monde". Il énumère alors la conception d'un univers ou les étoiles étaient des taches de lumière stable à la conception d'un univers où les étoiles sont elles-mêmes autant de soleils avec - potentiellement - leurs propres planètes, puis de la conception d'un univers limité à notre galaxie à un univers contenant des milliards de galaxie.

Il conclue: "accepter la réalité des mondes multiples de la théorie quantique représente seulement un barreau supplémentaire sur l'échelle que nous avons déjà commencé à gravir".


Pardon, mais il y a là une différence, et de taille, je dirais même plus : d'infini !

Lorsque l'on passe d'une suite finie de nombre naturelle finie à la suite infinie de ces nombres, le pas a franchir est certes considérable mais après tout, il ne représente pour l'esprit qu'une hypothèse de d'extension.

De même dans les exemples de Mr Bruce, on trouve un simple phénomène d'extension à un infini (ou quasi infini) dénombrable.

Mais la théorie des mondes multiples révolte les sens car elle a la propriété du continu: On doit en effet imaginer qu'à chaque instant, aussi petit qu'on puisse l'imaginer, une décohérence se produit pour chacune des particules de l'univers qui par sa propre interaction avec une autre particule ou un champ pourrait révéler quelque chose de sa position ou de sa vitesse. Mais ce processus est étendu à chacune des particules qui ont eu à un moment donné une certaine "proximité" avec cette particule, c'est à dire, s'il l'on accepte la théorie du big bang, toutes les autres car réveler quelque chose de l'une d'elle révèle quelque chose de toutes les autres. La décohérence a donc la puissance du continu et crée des univers au rythme minimum de 10^81 non pas même par seconde ou par millième de seconde, mais continuellement. Et c'est un minimum car les univers peuvent être plus que dédoublés.

Il y a là plus qu'un barreau à franchir, n'en déplaise à Mr Bruce. Cette profusion s'oppose bien au rasoir d'Occam, l'un des trois piliers des théories scientifiques (2).


Pour une fois je serai d'accord avec la majorité : si plus de cinquante pour cents des spécialistes du domaine ne s'en déclarent pas partisans (3) (sans être partisans d'une autre explication) c'est qu'elle a quelque chose de particulièrement difficile à avaler, qui perturbe les physiciens; pourtant souvent prompt à accepter l'inattendu : les débuts de la théorie quantique n'ont pas soulevé une telle vague de scepticisme. Il y a ici quelque chose de dérangeant et avant d'affirmer que cette interprétation est la bonne (ou plus exactement en la meilleure de toutes les bonnes interprétation selon M. Bruce), il faudra d'abord nous prouver que des solutions moins dérangeantes sont impossibles. Je serai quant à moi en effet prêt à laisser tomber la relativité restreinte plutôt que d'admettre ces mondes trop multiples.


1. Colin Bruce, Les lapins de Mr Schrödinger, Edition du Pommier, p. 203.
2. Avec le "principe de Copernic" (principe de médiocrité : l'histoires des particules qui nous sont proches n'est pas privilégié par rapport à celles du reste de l'univers) et "le principe de localité" (pas de force qui puisse s'appliquer instantanément à distance et dont l'effet serait de nous interdire de comprendre l'univers).
3. p.199.

samedi 6 juin 2009

Prix Nobel de Littérature

N. N. Taleb dans "The Black Swann" raconte(1) comment, en visitant des proches à Beiruth, il tombe parfois sur les restes d'une collection d'ouvrages rassemblant les auteurs récipiendaires du prix nobel dont nombre d'entre eux sont devenus anonymes depuis lors (bien que je ne partage pas - a priori - ses choix parmi la liste de victimes qu'il dresse en exemple : Pearl Buck et Anatole France me semblent encore des noms populaires). Cet exemple sert d'argument à une des thèses du livre, à savoir que la reconnaissance - magnifiée comme l'est celle du prix Nobel de littérature : seulement 101 récipiendaires en plus d'un siècle - est principalement le fruit du hasard:

Wikipedia propose la liste des prix Nobel de litterature, et il m'est venu à l'idée de vérifier l'argument de Taleb.

Tout d'abord il faut déterminer quels sont les critères d'attribution du prix. Dans son testament, A. Nobel décrit un prix littéraire récompensant l'oeuvre la plus exceptionnelle dans une direction idéale (2) pour des travaux présentés durant les années précédentes ou dont la portée a été découverte récemment. On remarquera donc qu'il ne s'agit donc pas d'un vote de popularité bien que la popularité puisse être un critère de choix dans cette définition pour le moins ambigüe. L'article cité décrit des "phases" dans la définition de l'idéal qui passent succèssivement de "l'humanisme au grand coeur" au "plus grand bénéfices pour l'humanité", au "pionniers", à "l'attention pour les maîtres inconnus" et à "l'attention portée au monde entier".

Ces phases suffisent à mettre en partie à mal l'argument de Taleb : d'une part il ne s'agit pas d'un vote populaire - il n'y a donc pas de relation entre la remise du prix et la popularité d'un auteur au temps de la remise. D'autre part, même après la remise, il me paraît loin d'être évident que la culture populaire reflète les faits les plus importants et des plus grands héros, au delà d'un horizon temporelle qui lui serait soumis au marketing et à la mode. Pourquoi le passé ne serait-il pas non plus une affaire de marques et de marketings avec des noms populaires (Homère, de Vinci, Shakespeare, Hugo...) et d'autres tout aussi important dans l'histoire du développement de la littérature mais qui resteraient inconnus ? Ainsi le créateur d'une forme littéraire pourrait très bien rester inconnu du grand public, alors que les chercheurs reconnaîtraient sa primauté. Mais pire encore, on peut également supposer que les chercheurs sont aussi soumis au règne du marketing et de la mode. En effet, leur population est plus restreinte que le grand publique, ils sortent souvent des mêmes universités, ont eu les mêmes maîtres et se recontrent très souvent entre eux. Ne peut-on à partir de là simplement imaginer qu'ils sont encore d'avantage soumis à un effet de mode qui ne peut exister sans une exposition répétée à l'"objet- mode" ?

Cette critique semble mener à un cul-de-sac : on ne peut rien dire ni sur une oeuvre, ni sur un auteur. Dès lors il n'y a plus de critique d'art possible et Dan Brown est aussi important qu'Honoré de Balzac. Pour tenter de sortir de cette ambigüité et déterminer quels auteurs sont plus importants que d'autres (pas seulement pour les magnifier dans un prix, mais pour qu'ils servent de bases à une éducation ou une recherche critique) il me semble que l'on puisse de croiser les deux critères dont nous avons parlé. Au barème de popularité, ajouté le barème des spécialistes. Et pour cela, nous disposons grâce au Web de deux outils intéressants:
1) la liste des ventes Amazon permet de comparer si un auteur récompensé par le prix Nobel est un auteur populaire.
2) la recherche "Google Scholar" permet de déterminer si


(1) P.222 de l'édition Penguin

vendredi 23 janvier 2009

Pollutions visuelles V

Mi Fei: Landscape, 1107.


Andy Warhol: Marylin, 1962.

mercredi 21 janvier 2009

Pollutions visuelles IV

Jan Vermeer: Vue de Delft, 1660-1661.

mardi 20 janvier 2009

Pollutions visuelles III

Jean-Baptiste Chardin : Nature morte avec carafe et fruits, 1750.



Kandinski: To the unknown voice, 1916.

dimanche 18 janvier 2009

The Natural History of religion - David Hume - 1757

Introduction:

Il y a 2 enquêtes particulièrement importante sur la religion: la religion est-elle fondée en raison? Qu'elle est son origine dans la nature humaine ?
Pour la première, Hume botte immédiatement en touche:
  • The whole frame of nature bespeaks an intelligent author
La nature toute entière témoigne d'un créateur conscient. Cette remarque est-elle une profession de prudence comme en trouve chez Fontenelle puisque la seconde semble être une véritable bombe à retardement pour la religion? Car il affirme: le sentiment de religion est distinct chez chaque homme et même: "some nation have been discovered who entertained no sentiments of religion" alors que: "self love, affection between the sexes, love of progeny, gratitude, resentment... [...] has been found absolutely universal in all nations and ages. Il poursuit: "the first religious principles must be secondary" [and] "may easily be perverted by various accidents and causes". "Exceptionnaly" [the operation of the first religious principles] may [...] be prevented.
Le sujet de cette enquête sera ainsi la nature de ces principes et des accidents et raisons qui peuvent les affecter.

Immédiatement, (p.3), considérant le progrès des sociétés humaines, Hume pose l'idolatrie et le polytheisme comme religion la plus ancienne religion de l'humanité. Hume précède de Brosses en s'appuyant sur l'histoire et sur les tribus sauvages contemporaines (p.4). Mais Hume fait reposer son analyse sur une évolution naturelle "The mind rises gradually from inferior to superior" (p.5) qu'il n'appelle pas du nom de loi mais qui semble en avoir toutes les qualités.

p.6 et 7, Hume développe l'argument "the causes of objects, which are quite familiar to us, never strike our attention our curiosity", pour en faire la raison que l'homme primitif "has no leisure to admire the regular face of nature". Puis il affirme p.8 "if men were at first led into the belief of one supreme being, [...] they could never leave that belief , in order to embrace idolatry." et comment que les principes du raisonnement qui permettent une telle avancée doivent lui permettre facilement de se maintenir. Il passe ensuite à une comparaison entre le fait historique, facilement distordu et l'opinion spéculative qui est soit évidente et est retenue pure par le peuple, soit abstruse et sera retenu par un petit groupe d'homme et facilement perdu. Il en tire ainsi que le théisme appartient nécessairement à la catégorie des objects dont la pureté est préservé par la raison.

Cette pierre angulaire de la raison laisse supposer que la religion de Hume est un Théisme, bien différent de la religion Catholique, mais qu'il n'était pas Athée. C'est aussi très faux, cf. l'histoire du Bouddhisme en Inde.

Hume passe ensuite à l'examen du Polythéisme, qui a sa source non pas dans l'unité de la nature (qui témoigne d'un créateur unique) mais dans les évènements humains qui peuvent être favorable ou non et semble supposer des forces venant de dieux différents (p. 11, 12). Le polythéisme est alimenté par les passions humaines.

Hume passe ensuite à la tendance humaine à personifier les choses à l'image de l'homme (p.17) qui amène au Polythéisme. Il ajoute que c'est surtout dans les périodes de mélancholie et de terreur (p21) et que les femmes y sont le plus sensible (p.22).

Dans la 4ème partie, Hume examine la différence entre le polythéisme et la croyance dans des créatures telle que les fées dans le cadre du christianisme et y trouve la même superstition sans les deux piliers de ce qui semble être son théisme: "suprem gouvernment" and "divine intention in the fabric of the world" (p.25). Il développe ensuite des exemples de superstitions dans le but d'en montrer le ridicule, notamment chez les anciens.

La 5ème partie ressemble beaucoup à l'ouvrage plus tardif de de Brosses, dressant portrait des métonymies du polythéisme (ci ce n'est au lieu du fétichisme).

La 6ème (p.44) soulève le problème de la providence d'un être suprème qui semble être incompréhensible pour le vulgaire (le peuple) lorsque survient un accident contraire. Cela démontre que le peuple est conduit à cette idée d'un être suprème non par son propre raisonnement mais guidé par une certaine suite d'idées, adaptées à leur compréhension (p.45). C'est le même principe qui anime le polythéisme.

La 7ème traite de la nature limitée des dieux du polythéisme, la 8ème résume la montée vers un théisme qui doit être préservé car le vulgaire cherche toujours à se doter d'intermédiaire pour atteindre l'être suprème dans ce qui semble être un flux et un reflux de la progression vers l'idée d'être suprème.

La 9ème montre les polythésistes tolérants envers les autres sectes alors que les théistes ne peuvent en reconnaître qu'un. Le 10ème que le théisme peut amener à l'abattement et la soumission. Le 11ème que la philosophie est capable de d'être perverti par le théisme.

Chapitre 12:
Les hommes sont prompts à se moquer ridicule des autres religions mais ne perçoivent pas le ridicule de leur propre opinion.
(Ce a quoi on pourrait ajouter que Hume fait plaisamment la critique de Catholicisme mais pas celle de sa propre religion).

Que dans tous les ages la piété des hommes est d'avantage affectée que réelle qui est perçue comme une cause de l'instabilité des religions anciennes dont les prêtres étaient peu nombreux. Qu'une autre raison de cette instabilité est la multiplicité des religions anciennes dont rien ne peut faire préférer l'une à l'autre.

Que la superstition et l'absurdité n'est pas un frein à la croyance, même chez les grands hommes (p. 88)

Finalement la différence entre une religion mythologique et scholastique est que la première est plus raisonable et s'adapte facilement à l'ame humaine mais n'a pas autant d'influence sur les affections et la compréhension humaine.

Chapitre 13
Que la religion primaire de l'homme provient d'une peur des évènements futurs mais que la déité sera au contraire fondamentalement bonne et divine. Mais comme les hommes sont propres à l'accuser de leur tourment, il en résulte un antagonisme qui habite même les plus zélé des croyants.

Chapitre 14
Que même dans les plus sublimes religions, celui qui recherche la faveur divine ne le fait pas par vertue ou bonne moralité mais pour les prétextes les plus frivoles.

Que la pratique des superstitions n'est pas moins difficile que celle des religions

Que les plus grands crimes ont été commis en accord avec une piété superstitieuse, ce qui ne permet pas de tirer quelque conclusion sur un hommes selon la ferveur avec laquelle il suit une religion.

Que la barbarité et le caprice forment le caractère de la déité dans les religions populaires

Chapitre 15
Que le bon et le mauvais sont étroitement liés, et que toutes les qualités le sont au défaut.

Que la propension universelle de croire en une puissance invisible et intelligente n'es pas un instinct mais une marque donnée par l'artisant divin. Mais que la déité est presque partout défiguré, que les vies des hommes ne s'accordent pas avec leur religion:

Que l'ignorance est la mère de la dévotion.

Que seule la philosophie permet d'échapper aux disputes des religions

Aini il apparait que Hume est le tenant d'une religion des philosophes, d'un créateur qui à peu à voir avec la religion populaire.

Ce livre est décevant par son manque de porté et de structure.

vendredi 16 janvier 2009

Charles de Brosses - Du Culte des Dieux Fetiches - 1760

p.10 création du nom fétichisme

de Brosses pose p.16 le principe sur lequel fonctionne sa recherche : L'actuel pour éclairer le passé. Mais cette pierre angulaire de l'ouvrage, dont l'intérêt s'écroulerait totalement si elle se révèlait fausse, n'est pas etayée par plus qu'"un philosophe grec" et une citation de l'éclésiasite.

Ce qui rend pénible pour un esprit contemporain la lecture de cet ouvrage, c'est la condecendance que de Brosses a pour les sauvages et pour le fétichisme alors même que cette condescendance était absente chez Fontenelle plus d'un demi siècle auparavant dans une analyse pourtant très critique des oracles.

de Brosses commence par décrire les coutûmes d'un petit royaume de Guinée(p25) puis, (p.46), juxtapose celles existant en amérique puis celles existant dans le grand nord, soulignant la similitude de pratiques entre des peuples qui n'ont eu aucune communication.

Dans la section II (p.66) il passe aux coûtumes de l'antiquité et notamment des Egyptiens. Il s'attarde sur les origines du mythe d'Hercule qu'il associe à l'Egypte, le mythe d'Osiris, etc. Il passe en revue un certain nombre de fétiches (p.81 et suivantes), évoque la loi mosaïque qui interdit expressément le fétichisme, la présence des fétiches accompagnant les morts. Il rapproche des pratiques egyptiennes de celles de Chine, d'Inde et de Rome (p103) puis passe aux oracles. Il continue ainsi avec les pratiques des arabes (p.109), passe à l'antiquité pour examiner Babylone, les hébreux et les région attenantes (p.112) jusqu'à l'Inde. Puis il passe à la Grèce antique (p.149), à Rome (p.162), aux Gaulois et aux Germains (p.168).

Dans la section III (p.182), de Brosses résume l'idée principale de son livre, à savoir que le fétichisme est répandu dans toutes les nations non civilisées:
  • Il est encore plus naturel de penser que l'homme est ainsi fait, que laissé dans son état naturel brut et sauvage, non encore formé par aucune idée réfléchie ou par aucune imitation, il est le même pour les moeurs primitives et pour les façons de faire en Egypte comme aux Antilles, en Perse comme dans les Gaules. (p.184)
Puis il réfute l'opinion commune qui supposent que:
  • Tous les peuples ont eu les véritables idées d'une pure et intellectuelle qu'ils ont ensuite défigurées par de grossières superstitions et qu'il n'y a pas une nation sur terre qui ne s'accorde dans l'idée universelle de l'existence de Dieu" (P.189)
Il rattache sa propre théorie au déluge, dont seul la famille de l' un des trois chefs de génération survivants "conserva la connaissance du culte primordial et les saines idées de la divinité" (p.192). les deux autre retombant dans un état "d'enfance". Il résume dans une métaphore le développement des nations à celui d'un homme:
  • Qu'ainsi qu'on est en bas âge avant que d'être homme fait, elles ont leurs siècles d'enfance avant leurs siècles de raisons. (p.197)
A l'aide de sa métaphore, Il répond alors au premier volet de la proposition:
  • il est sans exemple que les esprits deviennent aveugles de clairvoyant qu'ils étaient
seuf cataclisme universelle (mais "la suite ordinaire de ce qui arrive chez un peuple instruit" est une trop grande dissertation des dogmes, qui amène à la bigoterie ou à l'athéisme).

On remarquera : on conçoive une métaphore aide à conceptualiser, mais comment une métaphore pourrait fournir une preuve rationnelle?

Il répond au second volet en admettant que "le commun des nations rend quelque cultes rendus à des êtres supérieurs à l'homme" Mais pour ajouter immédiatement il n'y a "rien dans leur façon de penser qui réponde à une idée de Dieu approchante de celle que l'on doit avoir".

Il remarque: "En raisonnant sur leur façon de penser, il faut se bien garder de leur attribuer nos idées parce qu'elles sont à présent attachées aux mêmes mots dont ils se sont servis", principe dont qu'il utilise sur l'idée contenu par le mot Dieu.

Il voit ensuite "une preuve de l'existence de Dieu" à ce que son vrai concept est l'accord unanime des hommes intelligents et des nations éclairées" ce qui est à nouveau prendre la métaphore pour source de preuve (p. 201)

Il retrace ensuite l'âme enfantine des nations (p. 203), répond à l'objection supposée "comment se peut-il qu'un culte si grossier puisse durer depuis si longtemps parmi des sauvages mêmes" à laquelle il répond qu'il faut "de ces génies supérieurs tels que dix siècles en fournissent à peine un sur toute la terre", ce qui montre qu'il n'y a pas de racisme chez lui (dans le sens de race intrinsèquement supérieure). (p.224).
La fin du livre est consacrée à la recherche d'une autre hypothèse "moins inadmissible" pour le fétichisme - que la "pure sotise du peuple" et conclue à son absence.

Histoire des Oracles - Fontenelle, 1686

"Le livre inaugurale de l'anthropologie de la croyance", dit Catherine Perret ce qui m'a évidemment décidé à le lire.

Après une introduction où Fontenelle fonde son droit à examiner le sujet:
  • "Mais l'écriture sainte ne nous apprend en aucune manière que les oracles aient été rendus par les démons et dès lors nous sommes en liberté de prendre parti sur cette matière. Elle est du nombre de celles que la sagesse divine a jugées assez indifférentes pour les abandonner à nos disputes ", p.4
Trois chapitres sont d'abord consacrés à l'origine de la croyance dans les oracles:
  • Pourquoi les Anciens Chrétiens ont cru que les oracles étaient rendus par les démons, p.5
Puis Fontenelle "change de rythme" dans le chapitre IV et attaque de son ironie mordante une histoire récente d'oracle: c'est la fameuse histoire de la "dent d'or" et sa conclusion lapidaire:
  • Mais on commença par faire des Livres et puis on consulta l'orfèvre.
Dans ce même chapitre crucial, Fontenelle expose sa thèse: D'une part il est naturel - simple pourrait-on dire- d'être convaincu par la raison sur les choses que nous ignorons mais malheureusement:
  • Nous n'avons pas les principes qui mènent au vrai mais nous en avons d'autres qui s'accomodent très bien avec le faux.
Fontenelle expose ensuite combien les discussion historiques et surtout les discussion religieuses sont capables de telles erreurs.
  • Il est assez difficile que selon le parti où on est, on ne donne à une fausse religion des avantages qui ne lui sont point dues ou qu'on ne donne à la vraie des avantages dont elle n'a pas besoin.
Il démontre ensuite les effets d'une méthodologie rationnelle pour détruire toute vraissemblance des oracles qu'il avait précédemment cité.

Au chapitre 5, Fontenelle met en garde contre ces croyances, une erreur qui ne vient pas des démons mais des hommes eux-mêmes:
  • C'est aux hommes de se précautionner contre les Erreurs où ils peuvent être jeté par d'autres hommes. Mais ils n'ont nul moyen de se précautioner contre celles où ils seraient jeté par des génies au dessus d'eux.
  • Mes lumières suffisent pour examiner si une statue parle, rien ne peut plus me désabuser de la divinité que je lui attribue.
Plus loin, Fontenelle rassemble des preuves contre la véracité des oracles. Il met en avant le fait que la philosophie n'était pas, dans l'antiquité, séparé de la poésie (chapitre 6), que des Anciens ont écrits contre la véracité des oracles (chapitre 7), que les Anciens faisaient parfois peu de cas de leurs oracles (chapitre 8), de même que certains des anciens Chrétiens (chapitre 9), que les oracles pouvaient être corrompus (chapitre 10), et s'attache à décrire méthodiquement différents aspects des oracles pour en souligner les incohérences (chapitre 11 à 18).

Dans la seconde dissertation, Fontenelle montre que les oracles se sont poursuivis après la venue du Christ car le paganisme ne s'est pas arrêté brusquement au temps de sa mise en croix, mais qu'ils auraient disparus même si le paganisme s'était poursuivit, grâce au développement de la philosophie.

C'est un ouvrage majeur de la pensée occidentale, à la fois dans son contenu (la séparation du religieux et du prophane qui peut être étudié) et dans sa forme (un examen purement rationnelle des données du problème).

Pollutions visuelles II

Georges de Latour: Madeleine repentante, 1635-1637.

jeudi 15 janvier 2009

Critique: Stephen Jay Gould, L'éventail du vivant

La structure du livre est présentée en page 267 :
  • Les deux exemples clés présentés dans ce livre – l’extiction au base ball, de la moyenne de 400 à la batte et l’absence, dans l’histoire de la vie, de toute tendance active vers une plus grande complexité – ilustrent des aspects différents de cette même stratégie analytique (étudier le système entier en non une absence abstraite).
Remarquons l’usage de la parenthèse comme si, à cet endroit du livre, son sujet n’était pas encore assez clair.

Le sujet du livre apparait quand à lui en page 58 :
  • Je vais montrer que nous subissons aujourd’hui encore l’héritage séculaire légué par Platon, qui nous pousse à voir dans un idéal ou un moyenne l’«essence » abstraite d’un système et à déprécier ou ignorer les variations entre les individus constituant la population entière.
Et qui s’applique notamment aux organismes :
  • Ce platonisme persistant explique selon moi l’inversion désastreuse si souvent appliquée aux moyennes que nous calculons. Dans le monde postplatonicien de Darwin, la variation est la réalité fondamentale et les moyennes calculées deviennent des abstractions. Or nous privilégions toujours l’ancien point de vue et considérons que considérons que les variations ne forment qu’un ensemble d’occurrences fortuites sans conséquence, dont le principal intérêt est de permettre le calcul d’une moyenne qui, à son tour, nous semble être ce qui s’approche le mieux d’une essence.
Là ! ce beau début, attaché à une introduction mathématique sur les diverses mesures de la tendance centrale (p. 67-76) est mis à mal par la suite du livre qui s’attache à deux disgressions, l’une très intéressante (le mythe du progrès, sous-titre du livre) et l’une complètement hors de propos (l’extinction au base ball de la moyenne de 400 à la batte). Pour cette dernière, il semble évident que Gould a voulu de toute force introduire sa théorie sur un phénomène récent des ligues de base ball (L’excellence du jeu entraine une précision et une uniformité croissante, p.161) dont il est fier mais qui n’a en fait rien à voir avec le sujet du livre. L’autre partie, plus gouldéenne dans le sens où elle nous introduit un sujet de biologie qui éclaire bien d’autres aspects de la vie, s’attache à détruire le mythe du progrès, c’est à dire (p. 207) :
  • L’existence d’un progrès se traduisant par une complexité sans cesse croissante, au cours du temps, de la vie dans son ensemble.
Qui apparaîtrait comme un Réconfort désiré pour la pensée occidentale.
Car mise à mal par (p.29)
  • Toutes les grandes révolutions survenues dans l’histoire de la science [qui] ont en commun … d’avoir porté un coup sévère à ce que les précédentes avaient épargné de notre arrogance cosmique.
Selon l’observation de Freud. Or,
  • Je reconnais que la créature la plus complexe a manifesté une tendance à croître en sophistication au fil du temps mais je nie catégoriquement que ce specimen extrêmement réduit conforte l’existence d’une dynamique générale de progrès dans l’histoire de la vie. (P.209).
Suivent 7 arguments montrant que la complexité n'est pas "innée" mais que :
  • L'étalement de la courbe s'explique uniquement par le mur et la multiplication des espèces ; l'aile droite de la distribution est une conséquence et non une cause de cet étalement
Puis une description de la richesse du monde bactérien (p.216) passionante, une reprise de l'argumentation avec une définition de la complexité trop vite expédiée (p.249) qui aurait du intervenir bien plus tôt suivies de nouvelles données sur la tendance passive de l'évolution.

En première analyse, il apparaît donc que L'éventail du vivant est un livre mal structuré qui semble avoir écrit trop vite, ce qui est dommage car il expose des concepts forts intéressants.

Par contre, en ce qui concerne la démonstration de la tendance passive de l'évolution, celle-ci est certes intéressantes mais elle n'est pas révolutionnaire. Elle me parait découler logiquement de la théorie darwinienne et de les postulats génétiques qui lui sont sous-jacents: Si les déplacements et les mutations de segments etde chromosomes se font de façon aléatoire pendant la germination, il n'y a pas à attendre de tendance innée à la complexité. Mais si, comme l'indique Gould lui-même, il y a un espace écologique vide qu'une créature plus complexe pourrait occuper, une pression sélective favorisera une telle créature.

Replaçons cette discussion dans le cadre de la théorie d'une germination pan-stellaire: si une race consciente, sur le point d'être détruite, et qui n'a pu (peut être pour des limitations physique que nous ne connaissons pas) essaimer de colonie sur d'autres planètes, cette race n'aurait-elle pas envie d'essaimer pour le moins des formes de vie sous forme bactérienne à travers l'espace, même si ces formes de vie ne sont pas déterminées à l'avance et même si la complexité qui finira par émerger de leur évolution n'implique pas le développement d'une conscience? C'est pourquoi cette description de Gould n'est pas révolutionnaire; elle ne chamboule ni nos connaissances, ni notre appréhension de ce qu'est la vie dans un monde post-darwinien. Elle est - mais c'est déjà un grand mérite - l'exposition claire d'une conséquence logique de la théorie de l'évolution.

Pollutions visuelles

Il arrive fréquement que, pour capturer sur une photographie les qualités esthétiques d’un monument ou d’un paysage, nous attendions qu’un piéton sorte du champ de l’objectif, qu’une voiture se soit éloignée à moins qu’il ne nous faille trouver un angle de visée qui évite tel espace publicitaire. Pourtant ces éléments (personne, voiture, publicité) ne sont que des détails de taille minime par rapport à l’ensemble photographié. Mais, de même qu’une seule fausse note brise harmonie de l’exécution d’un air musique au point que, parmi les milliers de notes jouées, cette note ratée restera gravée de façon proéminente dans la mémoire des auditeurs, ces détails perturbent notre perception de l’image au point que les qualités esthétique du sujet semble avoir perdues une grande partie de leur force d’expression.

Le terme de pollution me parait approprié pour qualifier ces perturbation d’harmonie visuelle. Un polluant n’est pas nécessairement une substance particulièrement nocive: une pollution peut résulter d’une accumulation au delà d’un certain seuil voire de la simple présence dans un environnement qui en était dépourvue d’une substance autrement inoffensive ou même bénéfique. Une particularité des polluants visuelles est, nous l’avons vu, leur rapport de grandeur avec l’ensemble harmonique. Une autre est que notre société contemporaine, convertie au culte du moindre-coût et poussant à la surenchère marketing, en génère un très grand nombre. La gestion de ces pollutions par les communautés qui en ont la charge est un problème complexe : mon propos n’est pas d’entrer dans cette discussion mais de faire prendre conscience de l’impact négatif qu’elles peuvent créer. J’ai choisi d’illlustrer ce point en introduisant des pollutions courrantes dans des harmonies visuelles bien connues.


Joseph-Marie Vien : Jeunes Grecques parant de fleurs l'Amour endormi, 1773.



Paul Cezanne : La montagne Sainte-Victoire, 1885-95.



Nicolas Poussin : L'enlèvement des Sabines, circa 1638.



Jean-Baptiste Regnault : Les trois Grâces, 1793-1794.



Hubert Robert : Vue imaginaire de la Grande Gallerie du Louvre en ruines, 1796.