jeudi 15 janvier 2009

Critique: Stephen Jay Gould, L'éventail du vivant

La structure du livre est présentée en page 267 :
  • Les deux exemples clés présentés dans ce livre – l’extiction au base ball, de la moyenne de 400 à la batte et l’absence, dans l’histoire de la vie, de toute tendance active vers une plus grande complexité – ilustrent des aspects différents de cette même stratégie analytique (étudier le système entier en non une absence abstraite).
Remarquons l’usage de la parenthèse comme si, à cet endroit du livre, son sujet n’était pas encore assez clair.

Le sujet du livre apparait quand à lui en page 58 :
  • Je vais montrer que nous subissons aujourd’hui encore l’héritage séculaire légué par Platon, qui nous pousse à voir dans un idéal ou un moyenne l’«essence » abstraite d’un système et à déprécier ou ignorer les variations entre les individus constituant la population entière.
Et qui s’applique notamment aux organismes :
  • Ce platonisme persistant explique selon moi l’inversion désastreuse si souvent appliquée aux moyennes que nous calculons. Dans le monde postplatonicien de Darwin, la variation est la réalité fondamentale et les moyennes calculées deviennent des abstractions. Or nous privilégions toujours l’ancien point de vue et considérons que considérons que les variations ne forment qu’un ensemble d’occurrences fortuites sans conséquence, dont le principal intérêt est de permettre le calcul d’une moyenne qui, à son tour, nous semble être ce qui s’approche le mieux d’une essence.
Là ! ce beau début, attaché à une introduction mathématique sur les diverses mesures de la tendance centrale (p. 67-76) est mis à mal par la suite du livre qui s’attache à deux disgressions, l’une très intéressante (le mythe du progrès, sous-titre du livre) et l’une complètement hors de propos (l’extinction au base ball de la moyenne de 400 à la batte). Pour cette dernière, il semble évident que Gould a voulu de toute force introduire sa théorie sur un phénomène récent des ligues de base ball (L’excellence du jeu entraine une précision et une uniformité croissante, p.161) dont il est fier mais qui n’a en fait rien à voir avec le sujet du livre. L’autre partie, plus gouldéenne dans le sens où elle nous introduit un sujet de biologie qui éclaire bien d’autres aspects de la vie, s’attache à détruire le mythe du progrès, c’est à dire (p. 207) :
  • L’existence d’un progrès se traduisant par une complexité sans cesse croissante, au cours du temps, de la vie dans son ensemble.
Qui apparaîtrait comme un Réconfort désiré pour la pensée occidentale.
Car mise à mal par (p.29)
  • Toutes les grandes révolutions survenues dans l’histoire de la science [qui] ont en commun … d’avoir porté un coup sévère à ce que les précédentes avaient épargné de notre arrogance cosmique.
Selon l’observation de Freud. Or,
  • Je reconnais que la créature la plus complexe a manifesté une tendance à croître en sophistication au fil du temps mais je nie catégoriquement que ce specimen extrêmement réduit conforte l’existence d’une dynamique générale de progrès dans l’histoire de la vie. (P.209).
Suivent 7 arguments montrant que la complexité n'est pas "innée" mais que :
  • L'étalement de la courbe s'explique uniquement par le mur et la multiplication des espèces ; l'aile droite de la distribution est une conséquence et non une cause de cet étalement
Puis une description de la richesse du monde bactérien (p.216) passionante, une reprise de l'argumentation avec une définition de la complexité trop vite expédiée (p.249) qui aurait du intervenir bien plus tôt suivies de nouvelles données sur la tendance passive de l'évolution.

En première analyse, il apparaît donc que L'éventail du vivant est un livre mal structuré qui semble avoir écrit trop vite, ce qui est dommage car il expose des concepts forts intéressants.

Par contre, en ce qui concerne la démonstration de la tendance passive de l'évolution, celle-ci est certes intéressantes mais elle n'est pas révolutionnaire. Elle me parait découler logiquement de la théorie darwinienne et de les postulats génétiques qui lui sont sous-jacents: Si les déplacements et les mutations de segments etde chromosomes se font de façon aléatoire pendant la germination, il n'y a pas à attendre de tendance innée à la complexité. Mais si, comme l'indique Gould lui-même, il y a un espace écologique vide qu'une créature plus complexe pourrait occuper, une pression sélective favorisera une telle créature.

Replaçons cette discussion dans le cadre de la théorie d'une germination pan-stellaire: si une race consciente, sur le point d'être détruite, et qui n'a pu (peut être pour des limitations physique que nous ne connaissons pas) essaimer de colonie sur d'autres planètes, cette race n'aurait-elle pas envie d'essaimer pour le moins des formes de vie sous forme bactérienne à travers l'espace, même si ces formes de vie ne sont pas déterminées à l'avance et même si la complexité qui finira par émerger de leur évolution n'implique pas le développement d'une conscience? C'est pourquoi cette description de Gould n'est pas révolutionnaire; elle ne chamboule ni nos connaissances, ni notre appréhension de ce qu'est la vie dans un monde post-darwinien. Elle est - mais c'est déjà un grand mérite - l'exposition claire d'une conséquence logique de la théorie de l'évolution.

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