samedi 5 février 2011

La pesanteur et la grâce

Combien de temps faut-il pour construire une ogive nucléaire ou un "vecteur", ces missiles et bombardier à long rayon d'action? Considérant les centaines qui sont déployés par les Etats-Unis et la Russie et les milliers qui pourrissent on ne sait trop où, il semble bien qu'il ne doit pas falloir beaucoup plus que le temps nécessaire pour vitrifier une oasis dans le désert du Névada, faire fondre une partie du permafrost de Sibérie ou pêcher des poissons coralliens aux Bikini avec le plus gros bâton de dynamite jamais utilisé.

Combien de temps pour signer un accord de désarmement nucléaire entre les deux anciennes superpuissances, accord qui ne concerne aucun des autres pays du prétendu "club nucléaire" ? (En passant, imaginons un instant qu'un tel club existe. On ne peut y entrer sur présentation de la carte "fission", bien que la tronche des 6 ou 7 membres répertoriés doit pourtant être connu de l'établissement. A l'intérieur, ambiance feutrée, canapé en sky, volute de fumée des cigares et champignons atomiques de toutes les couleurs façon Warhol au mur). START I: neuf ans pour les négociations (durant laquelle la course aux armements nucléaire ne fut jamais aussi rapide), trois ans pour la ratification. START II: après une négociation étonnamment courte d'un an, le traité mis dix ans à être ratifié et ne fut jamais mis en application. START III: les négociations n'aboutirent pas car Bush décida de sortir unilatéralement du Traité ABM . SORT: la négociation prévoit une réduction du nombre de tête nucléaire à atteindre le jour ou le traité devient caduque. Même le plus endurci des conservateurs ratifierait celui-là. Enfin ce 5 février, NEW START, quatrième du nom, qui permet de réduire le plafond des ogives déployés au niveau effectivement en vigueur à l'heure actuelle. Autrement dit, aucun changement.

Tout cela m'a fait penser à l'image de Simone. D'un côté la pesanteur du péché, intense force d'attraction des budgets, des crédits, d'une administration, d'une industrie, d'une économie. De l'autre côté, la grâce d'une aspiration, espoir aérien d'un fragile traité qui limiterait nos ambitions de destruction. La plume contre l'acier. la grâce contre la pesanteur.

lundi 6 juillet 2009

Romans olipotiens

- Ecrire un roman qui n'aurait qu'une seule phrase.
- Ecrire un roman donc chaque phrase n'aurait qu'un mot.

mercredi 1 juillet 2009

Les mondes multiples

Dans les lapins de M. Shrödinger, Colin Bruce écrit: "Le trait principal des mondes multiples (qui donnent selon l'auteur la meilleure explication à certains résultats paradoxaux de la physique quantique) [...] est l'immensité de la multiplicité qu'implique la théorie" et il cite Paul Davies "si la théorie des mondes multiples obéit au rasoi d'Ockham par son économie d'hypothèses, elle est immensément extravagante dans le nombre de monde qu'elle sous-entend." Puis il ajoute "Est-il plus sensé de préférer moins d'hypothèses ou moins de monde invisibles?" (1)

Colin Bruce répond à cette opposition majeure à la théorie des multivers (lui-même l'a qualifié, nous l'avons vu, de trait principal) en présentant "d'excellents précédents demontrant l'intérêt qu'il y a à préférer l'économie d'hypothèses à l'économie de monde". Il énumère alors la conception d'un univers ou les étoiles étaient des taches de lumière stable à la conception d'un univers où les étoiles sont elles-mêmes autant de soleils avec - potentiellement - leurs propres planètes, puis de la conception d'un univers limité à notre galaxie à un univers contenant des milliards de galaxie.

Il conclue: "accepter la réalité des mondes multiples de la théorie quantique représente seulement un barreau supplémentaire sur l'échelle que nous avons déjà commencé à gravir".


Pardon, mais il y a là une différence, et de taille, je dirais même plus : d'infini !

Lorsque l'on passe d'une suite finie de nombre naturelle finie à la suite infinie de ces nombres, le pas a franchir est certes considérable mais après tout, il ne représente pour l'esprit qu'une hypothèse de d'extension.

De même dans les exemples de Mr Bruce, on trouve un simple phénomène d'extension à un infini (ou quasi infini) dénombrable.

Mais la théorie des mondes multiples révolte les sens car elle a la propriété du continu: On doit en effet imaginer qu'à chaque instant, aussi petit qu'on puisse l'imaginer, une décohérence se produit pour chacune des particules de l'univers qui par sa propre interaction avec une autre particule ou un champ pourrait révéler quelque chose de sa position ou de sa vitesse. Mais ce processus est étendu à chacune des particules qui ont eu à un moment donné une certaine "proximité" avec cette particule, c'est à dire, s'il l'on accepte la théorie du big bang, toutes les autres car réveler quelque chose de l'une d'elle révèle quelque chose de toutes les autres. La décohérence a donc la puissance du continu et crée des univers au rythme minimum de 10^81 non pas même par seconde ou par millième de seconde, mais continuellement. Et c'est un minimum car les univers peuvent être plus que dédoublés.

Il y a là plus qu'un barreau à franchir, n'en déplaise à Mr Bruce. Cette profusion s'oppose bien au rasoir d'Occam, l'un des trois piliers des théories scientifiques (2).


Pour une fois je serai d'accord avec la majorité : si plus de cinquante pour cents des spécialistes du domaine ne s'en déclarent pas partisans (3) (sans être partisans d'une autre explication) c'est qu'elle a quelque chose de particulièrement difficile à avaler, qui perturbe les physiciens; pourtant souvent prompt à accepter l'inattendu : les débuts de la théorie quantique n'ont pas soulevé une telle vague de scepticisme. Il y a ici quelque chose de dérangeant et avant d'affirmer que cette interprétation est la bonne (ou plus exactement en la meilleure de toutes les bonnes interprétation selon M. Bruce), il faudra d'abord nous prouver que des solutions moins dérangeantes sont impossibles. Je serai quant à moi en effet prêt à laisser tomber la relativité restreinte plutôt que d'admettre ces mondes trop multiples.


1. Colin Bruce, Les lapins de Mr Schrödinger, Edition du Pommier, p. 203.
2. Avec le "principe de Copernic" (principe de médiocrité : l'histoires des particules qui nous sont proches n'est pas privilégié par rapport à celles du reste de l'univers) et "le principe de localité" (pas de force qui puisse s'appliquer instantanément à distance et dont l'effet serait de nous interdire de comprendre l'univers).
3. p.199.

samedi 6 juin 2009

Prix Nobel de Littérature

N. N. Taleb dans "The Black Swann" raconte(1) comment, en visitant des proches à Beiruth, il tombe parfois sur les restes d'une collection d'ouvrages rassemblant les auteurs récipiendaires du prix nobel dont nombre d'entre eux sont devenus anonymes depuis lors (bien que je ne partage pas - a priori - ses choix parmi la liste de victimes qu'il dresse en exemple : Pearl Buck et Anatole France me semblent encore des noms populaires). Cet exemple sert d'argument à une des thèses du livre, à savoir que la reconnaissance - magnifiée comme l'est celle du prix Nobel de littérature : seulement 101 récipiendaires en plus d'un siècle - est principalement le fruit du hasard:

Wikipedia propose la liste des prix Nobel de litterature, et il m'est venu à l'idée de vérifier l'argument de Taleb.

Tout d'abord il faut déterminer quels sont les critères d'attribution du prix. Dans son testament, A. Nobel décrit un prix littéraire récompensant l'oeuvre la plus exceptionnelle dans une direction idéale (2) pour des travaux présentés durant les années précédentes ou dont la portée a été découverte récemment. On remarquera donc qu'il ne s'agit donc pas d'un vote de popularité bien que la popularité puisse être un critère de choix dans cette définition pour le moins ambigüe. L'article cité décrit des "phases" dans la définition de l'idéal qui passent succèssivement de "l'humanisme au grand coeur" au "plus grand bénéfices pour l'humanité", au "pionniers", à "l'attention pour les maîtres inconnus" et à "l'attention portée au monde entier".

Ces phases suffisent à mettre en partie à mal l'argument de Taleb : d'une part il ne s'agit pas d'un vote populaire - il n'y a donc pas de relation entre la remise du prix et la popularité d'un auteur au temps de la remise. D'autre part, même après la remise, il me paraît loin d'être évident que la culture populaire reflète les faits les plus importants et des plus grands héros, au delà d'un horizon temporelle qui lui serait soumis au marketing et à la mode. Pourquoi le passé ne serait-il pas non plus une affaire de marques et de marketings avec des noms populaires (Homère, de Vinci, Shakespeare, Hugo...) et d'autres tout aussi important dans l'histoire du développement de la littérature mais qui resteraient inconnus ? Ainsi le créateur d'une forme littéraire pourrait très bien rester inconnu du grand public, alors que les chercheurs reconnaîtraient sa primauté. Mais pire encore, on peut également supposer que les chercheurs sont aussi soumis au règne du marketing et de la mode. En effet, leur population est plus restreinte que le grand publique, ils sortent souvent des mêmes universités, ont eu les mêmes maîtres et se recontrent très souvent entre eux. Ne peut-on à partir de là simplement imaginer qu'ils sont encore d'avantage soumis à un effet de mode qui ne peut exister sans une exposition répétée à l'"objet- mode" ?

Cette critique semble mener à un cul-de-sac : on ne peut rien dire ni sur une oeuvre, ni sur un auteur. Dès lors il n'y a plus de critique d'art possible et Dan Brown est aussi important qu'Honoré de Balzac. Pour tenter de sortir de cette ambigüité et déterminer quels auteurs sont plus importants que d'autres (pas seulement pour les magnifier dans un prix, mais pour qu'ils servent de bases à une éducation ou une recherche critique) il me semble que l'on puisse de croiser les deux critères dont nous avons parlé. Au barème de popularité, ajouté le barème des spécialistes. Et pour cela, nous disposons grâce au Web de deux outils intéressants:
1) la liste des ventes Amazon permet de comparer si un auteur récompensé par le prix Nobel est un auteur populaire.
2) la recherche "Google Scholar" permet de déterminer si


(1) P.222 de l'édition Penguin

vendredi 23 janvier 2009

Pollutions visuelles V

Mi Fei: Landscape, 1107.


Andy Warhol: Marylin, 1962.

mercredi 21 janvier 2009

Pollutions visuelles IV

Jan Vermeer: Vue de Delft, 1660-1661.

mardi 20 janvier 2009

Pollutions visuelles III

Jean-Baptiste Chardin : Nature morte avec carafe et fruits, 1750.



Kandinski: To the unknown voice, 1916.

dimanche 18 janvier 2009

The Natural History of religion - David Hume - 1757

Introduction:

Il y a 2 enquêtes particulièrement importante sur la religion: la religion est-elle fondée en raison? Qu'elle est son origine dans la nature humaine ?
Pour la première, Hume botte immédiatement en touche:
  • The whole frame of nature bespeaks an intelligent author
La nature toute entière témoigne d'un créateur conscient. Cette remarque est-elle une profession de prudence comme en trouve chez Fontenelle puisque la seconde semble être une véritable bombe à retardement pour la religion? Car il affirme: le sentiment de religion est distinct chez chaque homme et même: "some nation have been discovered who entertained no sentiments of religion" alors que: "self love, affection between the sexes, love of progeny, gratitude, resentment... [...] has been found absolutely universal in all nations and ages. Il poursuit: "the first religious principles must be secondary" [and] "may easily be perverted by various accidents and causes". "Exceptionnaly" [the operation of the first religious principles] may [...] be prevented.
Le sujet de cette enquête sera ainsi la nature de ces principes et des accidents et raisons qui peuvent les affecter.

Immédiatement, (p.3), considérant le progrès des sociétés humaines, Hume pose l'idolatrie et le polytheisme comme religion la plus ancienne religion de l'humanité. Hume précède de Brosses en s'appuyant sur l'histoire et sur les tribus sauvages contemporaines (p.4). Mais Hume fait reposer son analyse sur une évolution naturelle "The mind rises gradually from inferior to superior" (p.5) qu'il n'appelle pas du nom de loi mais qui semble en avoir toutes les qualités.

p.6 et 7, Hume développe l'argument "the causes of objects, which are quite familiar to us, never strike our attention our curiosity", pour en faire la raison que l'homme primitif "has no leisure to admire the regular face of nature". Puis il affirme p.8 "if men were at first led into the belief of one supreme being, [...] they could never leave that belief , in order to embrace idolatry." et comment que les principes du raisonnement qui permettent une telle avancée doivent lui permettre facilement de se maintenir. Il passe ensuite à une comparaison entre le fait historique, facilement distordu et l'opinion spéculative qui est soit évidente et est retenue pure par le peuple, soit abstruse et sera retenu par un petit groupe d'homme et facilement perdu. Il en tire ainsi que le théisme appartient nécessairement à la catégorie des objects dont la pureté est préservé par la raison.

Cette pierre angulaire de la raison laisse supposer que la religion de Hume est un Théisme, bien différent de la religion Catholique, mais qu'il n'était pas Athée. C'est aussi très faux, cf. l'histoire du Bouddhisme en Inde.

Hume passe ensuite à l'examen du Polythéisme, qui a sa source non pas dans l'unité de la nature (qui témoigne d'un créateur unique) mais dans les évènements humains qui peuvent être favorable ou non et semble supposer des forces venant de dieux différents (p. 11, 12). Le polythéisme est alimenté par les passions humaines.

Hume passe ensuite à la tendance humaine à personifier les choses à l'image de l'homme (p.17) qui amène au Polythéisme. Il ajoute que c'est surtout dans les périodes de mélancholie et de terreur (p21) et que les femmes y sont le plus sensible (p.22).

Dans la 4ème partie, Hume examine la différence entre le polythéisme et la croyance dans des créatures telle que les fées dans le cadre du christianisme et y trouve la même superstition sans les deux piliers de ce qui semble être son théisme: "suprem gouvernment" and "divine intention in the fabric of the world" (p.25). Il développe ensuite des exemples de superstitions dans le but d'en montrer le ridicule, notamment chez les anciens.

La 5ème partie ressemble beaucoup à l'ouvrage plus tardif de de Brosses, dressant portrait des métonymies du polythéisme (ci ce n'est au lieu du fétichisme).

La 6ème (p.44) soulève le problème de la providence d'un être suprème qui semble être incompréhensible pour le vulgaire (le peuple) lorsque survient un accident contraire. Cela démontre que le peuple est conduit à cette idée d'un être suprème non par son propre raisonnement mais guidé par une certaine suite d'idées, adaptées à leur compréhension (p.45). C'est le même principe qui anime le polythéisme.

La 7ème traite de la nature limitée des dieux du polythéisme, la 8ème résume la montée vers un théisme qui doit être préservé car le vulgaire cherche toujours à se doter d'intermédiaire pour atteindre l'être suprème dans ce qui semble être un flux et un reflux de la progression vers l'idée d'être suprème.

La 9ème montre les polythésistes tolérants envers les autres sectes alors que les théistes ne peuvent en reconnaître qu'un. Le 10ème que le théisme peut amener à l'abattement et la soumission. Le 11ème que la philosophie est capable de d'être perverti par le théisme.

Chapitre 12:
Les hommes sont prompts à se moquer ridicule des autres religions mais ne perçoivent pas le ridicule de leur propre opinion.
(Ce a quoi on pourrait ajouter que Hume fait plaisamment la critique de Catholicisme mais pas celle de sa propre religion).

Que dans tous les ages la piété des hommes est d'avantage affectée que réelle qui est perçue comme une cause de l'instabilité des religions anciennes dont les prêtres étaient peu nombreux. Qu'une autre raison de cette instabilité est la multiplicité des religions anciennes dont rien ne peut faire préférer l'une à l'autre.

Que la superstition et l'absurdité n'est pas un frein à la croyance, même chez les grands hommes (p. 88)

Finalement la différence entre une religion mythologique et scholastique est que la première est plus raisonable et s'adapte facilement à l'ame humaine mais n'a pas autant d'influence sur les affections et la compréhension humaine.

Chapitre 13
Que la religion primaire de l'homme provient d'une peur des évènements futurs mais que la déité sera au contraire fondamentalement bonne et divine. Mais comme les hommes sont propres à l'accuser de leur tourment, il en résulte un antagonisme qui habite même les plus zélé des croyants.

Chapitre 14
Que même dans les plus sublimes religions, celui qui recherche la faveur divine ne le fait pas par vertue ou bonne moralité mais pour les prétextes les plus frivoles.

Que la pratique des superstitions n'est pas moins difficile que celle des religions

Que les plus grands crimes ont été commis en accord avec une piété superstitieuse, ce qui ne permet pas de tirer quelque conclusion sur un hommes selon la ferveur avec laquelle il suit une religion.

Que la barbarité et le caprice forment le caractère de la déité dans les religions populaires

Chapitre 15
Que le bon et le mauvais sont étroitement liés, et que toutes les qualités le sont au défaut.

Que la propension universelle de croire en une puissance invisible et intelligente n'es pas un instinct mais une marque donnée par l'artisant divin. Mais que la déité est presque partout défiguré, que les vies des hommes ne s'accordent pas avec leur religion:

Que l'ignorance est la mère de la dévotion.

Que seule la philosophie permet d'échapper aux disputes des religions

Aini il apparait que Hume est le tenant d'une religion des philosophes, d'un créateur qui à peu à voir avec la religion populaire.

Ce livre est décevant par son manque de porté et de structure.

vendredi 16 janvier 2009

Charles de Brosses - Du Culte des Dieux Fetiches - 1760

p.10 création du nom fétichisme

de Brosses pose p.16 le principe sur lequel fonctionne sa recherche : L'actuel pour éclairer le passé. Mais cette pierre angulaire de l'ouvrage, dont l'intérêt s'écroulerait totalement si elle se révèlait fausse, n'est pas etayée par plus qu'"un philosophe grec" et une citation de l'éclésiasite.

Ce qui rend pénible pour un esprit contemporain la lecture de cet ouvrage, c'est la condecendance que de Brosses a pour les sauvages et pour le fétichisme alors même que cette condescendance était absente chez Fontenelle plus d'un demi siècle auparavant dans une analyse pourtant très critique des oracles.

de Brosses commence par décrire les coutûmes d'un petit royaume de Guinée(p25) puis, (p.46), juxtapose celles existant en amérique puis celles existant dans le grand nord, soulignant la similitude de pratiques entre des peuples qui n'ont eu aucune communication.

Dans la section II (p.66) il passe aux coûtumes de l'antiquité et notamment des Egyptiens. Il s'attarde sur les origines du mythe d'Hercule qu'il associe à l'Egypte, le mythe d'Osiris, etc. Il passe en revue un certain nombre de fétiches (p.81 et suivantes), évoque la loi mosaïque qui interdit expressément le fétichisme, la présence des fétiches accompagnant les morts. Il rapproche des pratiques egyptiennes de celles de Chine, d'Inde et de Rome (p103) puis passe aux oracles. Il continue ainsi avec les pratiques des arabes (p.109), passe à l'antiquité pour examiner Babylone, les hébreux et les région attenantes (p.112) jusqu'à l'Inde. Puis il passe à la Grèce antique (p.149), à Rome (p.162), aux Gaulois et aux Germains (p.168).

Dans la section III (p.182), de Brosses résume l'idée principale de son livre, à savoir que le fétichisme est répandu dans toutes les nations non civilisées:
  • Il est encore plus naturel de penser que l'homme est ainsi fait, que laissé dans son état naturel brut et sauvage, non encore formé par aucune idée réfléchie ou par aucune imitation, il est le même pour les moeurs primitives et pour les façons de faire en Egypte comme aux Antilles, en Perse comme dans les Gaules. (p.184)
Puis il réfute l'opinion commune qui supposent que:
  • Tous les peuples ont eu les véritables idées d'une pure et intellectuelle qu'ils ont ensuite défigurées par de grossières superstitions et qu'il n'y a pas une nation sur terre qui ne s'accorde dans l'idée universelle de l'existence de Dieu" (P.189)
Il rattache sa propre théorie au déluge, dont seul la famille de l' un des trois chefs de génération survivants "conserva la connaissance du culte primordial et les saines idées de la divinité" (p.192). les deux autre retombant dans un état "d'enfance". Il résume dans une métaphore le développement des nations à celui d'un homme:
  • Qu'ainsi qu'on est en bas âge avant que d'être homme fait, elles ont leurs siècles d'enfance avant leurs siècles de raisons. (p.197)
A l'aide de sa métaphore, Il répond alors au premier volet de la proposition:
  • il est sans exemple que les esprits deviennent aveugles de clairvoyant qu'ils étaient
seuf cataclisme universelle (mais "la suite ordinaire de ce qui arrive chez un peuple instruit" est une trop grande dissertation des dogmes, qui amène à la bigoterie ou à l'athéisme).

On remarquera : on conçoive une métaphore aide à conceptualiser, mais comment une métaphore pourrait fournir une preuve rationnelle?

Il répond au second volet en admettant que "le commun des nations rend quelque cultes rendus à des êtres supérieurs à l'homme" Mais pour ajouter immédiatement il n'y a "rien dans leur façon de penser qui réponde à une idée de Dieu approchante de celle que l'on doit avoir".

Il remarque: "En raisonnant sur leur façon de penser, il faut se bien garder de leur attribuer nos idées parce qu'elles sont à présent attachées aux mêmes mots dont ils se sont servis", principe dont qu'il utilise sur l'idée contenu par le mot Dieu.

Il voit ensuite "une preuve de l'existence de Dieu" à ce que son vrai concept est l'accord unanime des hommes intelligents et des nations éclairées" ce qui est à nouveau prendre la métaphore pour source de preuve (p. 201)

Il retrace ensuite l'âme enfantine des nations (p. 203), répond à l'objection supposée "comment se peut-il qu'un culte si grossier puisse durer depuis si longtemps parmi des sauvages mêmes" à laquelle il répond qu'il faut "de ces génies supérieurs tels que dix siècles en fournissent à peine un sur toute la terre", ce qui montre qu'il n'y a pas de racisme chez lui (dans le sens de race intrinsèquement supérieure). (p.224).
La fin du livre est consacrée à la recherche d'une autre hypothèse "moins inadmissible" pour le fétichisme - que la "pure sotise du peuple" et conclue à son absence.

Histoire des Oracles - Fontenelle, 1686

"Le livre inaugurale de l'anthropologie de la croyance", dit Catherine Perret ce qui m'a évidemment décidé à le lire.

Après une introduction où Fontenelle fonde son droit à examiner le sujet:
  • "Mais l'écriture sainte ne nous apprend en aucune manière que les oracles aient été rendus par les démons et dès lors nous sommes en liberté de prendre parti sur cette matière. Elle est du nombre de celles que la sagesse divine a jugées assez indifférentes pour les abandonner à nos disputes ", p.4
Trois chapitres sont d'abord consacrés à l'origine de la croyance dans les oracles:
  • Pourquoi les Anciens Chrétiens ont cru que les oracles étaient rendus par les démons, p.5
Puis Fontenelle "change de rythme" dans le chapitre IV et attaque de son ironie mordante une histoire récente d'oracle: c'est la fameuse histoire de la "dent d'or" et sa conclusion lapidaire:
  • Mais on commença par faire des Livres et puis on consulta l'orfèvre.
Dans ce même chapitre crucial, Fontenelle expose sa thèse: D'une part il est naturel - simple pourrait-on dire- d'être convaincu par la raison sur les choses que nous ignorons mais malheureusement:
  • Nous n'avons pas les principes qui mènent au vrai mais nous en avons d'autres qui s'accomodent très bien avec le faux.
Fontenelle expose ensuite combien les discussion historiques et surtout les discussion religieuses sont capables de telles erreurs.
  • Il est assez difficile que selon le parti où on est, on ne donne à une fausse religion des avantages qui ne lui sont point dues ou qu'on ne donne à la vraie des avantages dont elle n'a pas besoin.
Il démontre ensuite les effets d'une méthodologie rationnelle pour détruire toute vraissemblance des oracles qu'il avait précédemment cité.

Au chapitre 5, Fontenelle met en garde contre ces croyances, une erreur qui ne vient pas des démons mais des hommes eux-mêmes:
  • C'est aux hommes de se précautionner contre les Erreurs où ils peuvent être jeté par d'autres hommes. Mais ils n'ont nul moyen de se précautioner contre celles où ils seraient jeté par des génies au dessus d'eux.
  • Mes lumières suffisent pour examiner si une statue parle, rien ne peut plus me désabuser de la divinité que je lui attribue.
Plus loin, Fontenelle rassemble des preuves contre la véracité des oracles. Il met en avant le fait que la philosophie n'était pas, dans l'antiquité, séparé de la poésie (chapitre 6), que des Anciens ont écrits contre la véracité des oracles (chapitre 7), que les Anciens faisaient parfois peu de cas de leurs oracles (chapitre 8), de même que certains des anciens Chrétiens (chapitre 9), que les oracles pouvaient être corrompus (chapitre 10), et s'attache à décrire méthodiquement différents aspects des oracles pour en souligner les incohérences (chapitre 11 à 18).

Dans la seconde dissertation, Fontenelle montre que les oracles se sont poursuivis après la venue du Christ car le paganisme ne s'est pas arrêté brusquement au temps de sa mise en croix, mais qu'ils auraient disparus même si le paganisme s'était poursuivit, grâce au développement de la philosophie.

C'est un ouvrage majeur de la pensée occidentale, à la fois dans son contenu (la séparation du religieux et du prophane qui peut être étudié) et dans sa forme (un examen purement rationnelle des données du problème).

Pollutions visuelles II

Georges de Latour: Madeleine repentante, 1635-1637.

jeudi 15 janvier 2009

Critique: Stephen Jay Gould, L'éventail du vivant

La structure du livre est présentée en page 267 :
  • Les deux exemples clés présentés dans ce livre – l’extiction au base ball, de la moyenne de 400 à la batte et l’absence, dans l’histoire de la vie, de toute tendance active vers une plus grande complexité – ilustrent des aspects différents de cette même stratégie analytique (étudier le système entier en non une absence abstraite).
Remarquons l’usage de la parenthèse comme si, à cet endroit du livre, son sujet n’était pas encore assez clair.

Le sujet du livre apparait quand à lui en page 58 :
  • Je vais montrer que nous subissons aujourd’hui encore l’héritage séculaire légué par Platon, qui nous pousse à voir dans un idéal ou un moyenne l’«essence » abstraite d’un système et à déprécier ou ignorer les variations entre les individus constituant la population entière.
Et qui s’applique notamment aux organismes :
  • Ce platonisme persistant explique selon moi l’inversion désastreuse si souvent appliquée aux moyennes que nous calculons. Dans le monde postplatonicien de Darwin, la variation est la réalité fondamentale et les moyennes calculées deviennent des abstractions. Or nous privilégions toujours l’ancien point de vue et considérons que considérons que les variations ne forment qu’un ensemble d’occurrences fortuites sans conséquence, dont le principal intérêt est de permettre le calcul d’une moyenne qui, à son tour, nous semble être ce qui s’approche le mieux d’une essence.
Là ! ce beau début, attaché à une introduction mathématique sur les diverses mesures de la tendance centrale (p. 67-76) est mis à mal par la suite du livre qui s’attache à deux disgressions, l’une très intéressante (le mythe du progrès, sous-titre du livre) et l’une complètement hors de propos (l’extinction au base ball de la moyenne de 400 à la batte). Pour cette dernière, il semble évident que Gould a voulu de toute force introduire sa théorie sur un phénomène récent des ligues de base ball (L’excellence du jeu entraine une précision et une uniformité croissante, p.161) dont il est fier mais qui n’a en fait rien à voir avec le sujet du livre. L’autre partie, plus gouldéenne dans le sens où elle nous introduit un sujet de biologie qui éclaire bien d’autres aspects de la vie, s’attache à détruire le mythe du progrès, c’est à dire (p. 207) :
  • L’existence d’un progrès se traduisant par une complexité sans cesse croissante, au cours du temps, de la vie dans son ensemble.
Qui apparaîtrait comme un Réconfort désiré pour la pensée occidentale.
Car mise à mal par (p.29)
  • Toutes les grandes révolutions survenues dans l’histoire de la science [qui] ont en commun … d’avoir porté un coup sévère à ce que les précédentes avaient épargné de notre arrogance cosmique.
Selon l’observation de Freud. Or,
  • Je reconnais que la créature la plus complexe a manifesté une tendance à croître en sophistication au fil du temps mais je nie catégoriquement que ce specimen extrêmement réduit conforte l’existence d’une dynamique générale de progrès dans l’histoire de la vie. (P.209).
Suivent 7 arguments montrant que la complexité n'est pas "innée" mais que :
  • L'étalement de la courbe s'explique uniquement par le mur et la multiplication des espèces ; l'aile droite de la distribution est une conséquence et non une cause de cet étalement
Puis une description de la richesse du monde bactérien (p.216) passionante, une reprise de l'argumentation avec une définition de la complexité trop vite expédiée (p.249) qui aurait du intervenir bien plus tôt suivies de nouvelles données sur la tendance passive de l'évolution.

En première analyse, il apparaît donc que L'éventail du vivant est un livre mal structuré qui semble avoir écrit trop vite, ce qui est dommage car il expose des concepts forts intéressants.

Par contre, en ce qui concerne la démonstration de la tendance passive de l'évolution, celle-ci est certes intéressantes mais elle n'est pas révolutionnaire. Elle me parait découler logiquement de la théorie darwinienne et de les postulats génétiques qui lui sont sous-jacents: Si les déplacements et les mutations de segments etde chromosomes se font de façon aléatoire pendant la germination, il n'y a pas à attendre de tendance innée à la complexité. Mais si, comme l'indique Gould lui-même, il y a un espace écologique vide qu'une créature plus complexe pourrait occuper, une pression sélective favorisera une telle créature.

Replaçons cette discussion dans le cadre de la théorie d'une germination pan-stellaire: si une race consciente, sur le point d'être détruite, et qui n'a pu (peut être pour des limitations physique que nous ne connaissons pas) essaimer de colonie sur d'autres planètes, cette race n'aurait-elle pas envie d'essaimer pour le moins des formes de vie sous forme bactérienne à travers l'espace, même si ces formes de vie ne sont pas déterminées à l'avance et même si la complexité qui finira par émerger de leur évolution n'implique pas le développement d'une conscience? C'est pourquoi cette description de Gould n'est pas révolutionnaire; elle ne chamboule ni nos connaissances, ni notre appréhension de ce qu'est la vie dans un monde post-darwinien. Elle est - mais c'est déjà un grand mérite - l'exposition claire d'une conséquence logique de la théorie de l'évolution.

Pollutions visuelles

Il arrive fréquement que, pour capturer sur une photographie les qualités esthétiques d’un monument ou d’un paysage, nous attendions qu’un piéton sorte du champ de l’objectif, qu’une voiture se soit éloignée à moins qu’il ne nous faille trouver un angle de visée qui évite tel espace publicitaire. Pourtant ces éléments (personne, voiture, publicité) ne sont que des détails de taille minime par rapport à l’ensemble photographié. Mais, de même qu’une seule fausse note brise harmonie de l’exécution d’un air musique au point que, parmi les milliers de notes jouées, cette note ratée restera gravée de façon proéminente dans la mémoire des auditeurs, ces détails perturbent notre perception de l’image au point que les qualités esthétique du sujet semble avoir perdues une grande partie de leur force d’expression.

Le terme de pollution me parait approprié pour qualifier ces perturbation d’harmonie visuelle. Un polluant n’est pas nécessairement une substance particulièrement nocive: une pollution peut résulter d’une accumulation au delà d’un certain seuil voire de la simple présence dans un environnement qui en était dépourvue d’une substance autrement inoffensive ou même bénéfique. Une particularité des polluants visuelles est, nous l’avons vu, leur rapport de grandeur avec l’ensemble harmonique. Une autre est que notre société contemporaine, convertie au culte du moindre-coût et poussant à la surenchère marketing, en génère un très grand nombre. La gestion de ces pollutions par les communautés qui en ont la charge est un problème complexe : mon propos n’est pas d’entrer dans cette discussion mais de faire prendre conscience de l’impact négatif qu’elles peuvent créer. J’ai choisi d’illlustrer ce point en introduisant des pollutions courrantes dans des harmonies visuelles bien connues.


Joseph-Marie Vien : Jeunes Grecques parant de fleurs l'Amour endormi, 1773.



Paul Cezanne : La montagne Sainte-Victoire, 1885-95.



Nicolas Poussin : L'enlèvement des Sabines, circa 1638.



Jean-Baptiste Regnault : Les trois Grâces, 1793-1794.



Hubert Robert : Vue imaginaire de la Grande Gallerie du Louvre en ruines, 1796.

dimanche 24 août 2008

Groupe de Symétrie des surfaces planes II

Dans Groupe de symétrie des Surfaces Planes I, je recommandais aux artistes (graphiques) de trouver une partie de leur inspiration dans les mathématiques. Je préconisais par exemple l'étude des groupes de symétrie pour tirer de leur compositions des effets qui me semblent avoir été délaissés jusqu'ici. Il est par contre un art ou les symétries sont utilisées abondamment: il s'agit de la musique moderne avec notamment l'utilisation des boucles (loops). Une boucle est précisément un élément musical qui est répété un certain nombre de fois. Plusieurs boucles représentant plusieurs instruments se superposent pour former l'accompagnement musical du chanteur. On peut voir ici la mise en oeuvre de techniques de symétries qui sont appréciées de l'oreille humaine à partir du moment où elles ne tombent pas dans le répétitif (c'est pourquoi ces symétries sont perturbées de temps à autre). Il est aisé d'en faire l'expérience sur des logiciels de création musicale tel que Cakewalk.

Malheureusement, la surexploitation des techniques de boucles conduit la musique actuelle à se vider de la plus grande partie de sa composante artistique. Les compositeurs abusent de cette technique facile et du manque d'éducation de nos oreilles qui se satisfont de segments répétitifs comme les enfants apprécient les aliments aux goûts simples. En servant une musique agréable mais puérile musicalement parlant, en la limitant à des durées de 3 minutes en moyenne, en ayant chassé tout autre type de musique plus complexe (tel que la musique classique mais pas seulement) de notre environnement quotidien, les musiciens et producteurs de musique nous conditionnent à rester des auditeurs immatures. La musique actuelle tombe dans l'excès inverse de ce que nous décrivions pour les arts graphiques. Trop d'utilisation d'une seule technique nuit autant, voire d'avantage que sa non-utilisation.

samedi 23 août 2008

Qu'est-ce qu'un sport ?

Un sport est une activité qui répond à deux critères:

1 - Elle doit être basée sur un effort musculaire requiérant puissance et précision et peut faire l'objet d' entraînement permettant d'améliorer des performances.

2 - Elle fait l’objet de compétition permettant de déterminer un gagnant.

Ces critères me semblent suffisant pour déterminer UN sport. Il est beaucoup plus difficile de déterminer ce qu'est LE sport, en tant qu'ensemble de tous les sports mais aussi de toutes les activités associés à la pratique d'un sport. On notera par exemple que la définition axiomatique proposée ci dessous suppose immédiatement un espace de valeurs morales et une éthique propre à la pratique sportive et qui feront parti de ce qu'on appelle LE sport. Cette démarcation n'est pas sans équivalence avec le concept Poppérien de noms individuels et de noms universels. Il écrit notamment: "Any attempt to define universal names with the help of individual names is bound to fail" du fait que cette tentative est équivalente à un processus d'induction qui n'est pas valide du point de vue de la logique.(1)

Ci-dessous, je propose une classification des sports en catégorie qui bien que très intuitive ne me paraît pas avoir été compilé précédemment.

Catégorie A. Les sports dans lequels la performance des sportifs est déterminé par une mesure : de temps ou de distance (de hauteur) plutôt que par un arbitrage humain.

  • Catégorie A1 : Les sports de catégorie A où l’équipement joue un rôle a priori mineur (a) : souvent considérés comme les épreuves reines des jeux, il s’agit d’épreuves particulièrement appréciées sans doute à cause de l’intérêt que suscite un référentiel universel et non subjectif..

Exemple de sport de catégorie A1 : Les courses à pied sur différentes longueurs en athlétisme, le saut en longueur, le saut en hauteur, la natation.

(a) A priori seulement car le revêtement des pistes, les chaussures ou les combinaisons des nageurs ne sont pas certainement pas négligeable dans l’amélioration des performances.

  • Catégorie A2 : Les sports de catégorie A dépendant d’un équipement. Ils permettent une comparaison dans une période de temps courte entre différentes compétitions se déroulant dans des lieux différents. Par contre, l’équipement voire le réglement évoluant au fil du temps, ils ne permettent qu’une comparaison limitée avec les sportifs des compétitions précédentes

Exemple de sport de catégorie A2 : La course de saut d’obstacle, le saut à la perche, le tir, le vélo contre la montre en salle.

  • Catégorie A3 : Les sports de catégorie A dépendant des conditions particulières du lieu ou se déroule la compétition: ils ne permettent pas de comparaison entre les sessions :

Exemple de catégorie de sport A3 : Le marathon, la voile, le vélo en extérieur, le golf, le ski.

Catégorie B : les sports ou s’affrontent des athlètes en face à face, la victoire de l’un signifiant immédiatement la défaite de l’autre. :

Ces jeux sont soumis à des règles qui évoluent plus ou moins vite dans le temps, ne permettant pas de comparaisons précises mais permettant de désigner facilement un gagnant lors des tournois

Exemple de sport de catégorie B : Le football, la boxe, le handball, le volley ball, le tennis

Le poids de l’arbitrage même, basé sur des règles claires, est plus important.

Catégorie C : les sports dont l’évaluation comprend également des éléments artistiques notés par un ou des juges. Ces sports sont populaires car les compétitions sont également des spectacles mais font également l’objet de controverses dues à une part de subjectivité incontournable

Exemple de sport de catégorie C : la gymnastique artistique, le patinage, le plongeon, la nage synchronisée.

Ces sports sont l’objets de codification cherchant à limiter leur subjectivité inhérente. Ces codification elle mêmes et leur révisions sont également sources de controverses sur le poids dans la notation des éléments artistiques (2).

Catégorie D : Les sports ne reposant pas (ou peu) sur un entrainement musculaire : il s’agit à mon avis d’une confusion entre compétition et sport. Exemple de sport de catégorie D : Les sports mécaniques, les échecs, le bridge.

Notes:
(1) Karl Popper, the logic of Scientific Discovery, Routledge Classic 2002, p43 et suivantes.
(2) http://en.wikipedia.org/wiki/Code_of_Points_(artistic_gymnastics)

Groupe de Symétrie des surfaces planes


Ceiling of Egyptian tomb; ignoring colors this is p4, otherwise p2.
(source: wikipedia http://en.wikipedia.org/wiki/Wallpaper_group#Group_p4)




La raison en est que le vortex présente deux couleurs, grises et jaunes sur les cotés adjacent d'un carré qui le contiendrait. La fleur présente bien une symétrie P4 mais le vortex n'en a qu'une de type P2 . Si les deux couleurs étaient les mêmes, on pourrait donc prendre comme plus petite unité de pavage ("Lattice") 1/4 de fleur et 1/4 de vortex et obtenir une symétrie p4. Mais tel n'est pas le cas, il faut donc prendre comme plus petite unité de pavage une fleur et un vortex complet avec lequel nous trouvons une simple symétrie de type P2.

Cet exemple est intéressant car il montre la possibilité d'avoir des symétries soujacentes, véritables symétries qui sont perturbées par l'adjonction d'un autre élément (ici la couleur). L'effet visuel obtenu est particulièrement riche. On pourrait trouver ici une méthode de composition intéressante qui serait de partir d'une symétrie élevée et d'y ajouter des éléments différents pour la perturber (on peut sans doute imaginer cette perturbation graduelle, permettant de supposer plusieurs niveaux de symétries) jusque parvenir - à l'extrême - à n'en avoir réellement aucune sur l'ensemble de la composition.

Il me semble regrettable que de nos jours, et à part l'exception étincellante de M. C. Escher, la plupart des artistes ne soit pas d'avantage intéressé par les possibilités offertes par les mathématiques et la physique en temps que champ d'inspiration et d'expérimentation. Il fut des temps où l'art était étroitement lié à la science, on pense bien entendu à la Renaissance mais le réalisme ou le naturalisme porte en leur essence une nécessaire compréhension de certains éléments mathématiques et physiques ce qui n'est pas nécessairement le cas pour l'abstrait. Pourtant, comme le dit Escher: "The mathematicians have opened the gate leading to an extensive domain."(1) Malheureusement, lorsque certains artistes cherchent à intégrer des éléments mathématiques dans leur création, il s'agit de pseudo-science, comme celle concernant le nombre d'or et que l'on retrouve dans des créateurs aussi sérieux que Le Corbusier(2). Du même avis qu'Escher, je suis convaincu que la science recèle des possibilité d'inspirations artistiques absolument laissé pour compte par nos artistes contemporains.
Illustration: Escher, Cercle Limit III.

* * *
In 1704, Sebastien Truchet considered all possible patterns formed by tilings of right triangles oriented at the four corners of a square.



Truchet's tiles produce beautiful patterns when laid out on a grid, as illustrated by the 20x20 arrangement of random tiles illustrated [below].













A modification of Truchet's tiles leads to a single tile consisting of two circular arcs of radius equal to half the tile edge length centered at opposed corners (Pickover 1989).

There are two possible orientations of this tile, and tiling the plane using tiles with random orientations gives visually interesting patterns. (3)














Sources:
(1) http://en.wikipedia.org/wiki/M._C._Escher
(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Nombre_d%27or
(3) http://mathworld.wolfram.com/TruchetTiling.html

samedi 2 août 2008

Vérification d'une hypothèse en philosophie : cas du cadre imaginaire des sociétés occidentales

Je publie ce post comme exemple d'une approche de la philosophie où les propositions sont vérifiées par des preuves vérifiables, rejoignant en cela l'approche de Popper (1).

Le problème est de vérifier si les affirmations de l'article précédent (un imaginaire collectif des sociétés occidentales modernes tourné vers le présent et le fantastique alors que l'imaginaire collectif de toutes les autres sociétés était jusqu'à présent tourné vers le passé et le "réel") se vérifient dans les faits.

La méthode proposée est la suivante: d'une part recencer une production artistique représentative d'une époque et de le passer au travers d'un crible.

Le crible que j'utiliserai est le suivant: répartir les oeuvres en fonction de leur cadre temporelle, géographique et de genre.

Le cadre temporelle se divise en présent (suggérant que l'action principale appartient au temps présent même si des références sont faites à d'autres époques), passé (le passé commence lorsqu'il est percu comme une époque révolue, différente du temps présent. L'évocation d'une période remontant à une vingtaine d'années peut être ainsi classé comme une évocation du passé si elle est traitée de cette manière) ou à l'imaginaire (qui inclue également l'avenir).

Le cadre géographique se décompose en "local" c'est à dire faisant parti de la même aire culturelle (Pour les américains, la notion est subtile notamment pour les oeuvres se situant en Europe qui peuvent ou non être considérés comme "locaux"; de même, la façon dont les oeuvres américaines sont perçus en Europe notamment en Europe de l'ouest; on retiendra à ce sujet la "proximité" des personnages par rapport à notre quotidien; ainsi, la proximité d'un super-héros à New York pour un Européen de souche est plus facile qu'avec un film destinés au public afro-américains), "exotique" qui signifie faisant parti d'une autre aire culturelle, et "imaginaire" qui sera donc les oeuvres sans référence géographique existantes.

Les genre seront subdivisés en trois groupes: "réaliste" (le ressort de l'action est basé sur le réalisme. Le fantastique n'apparaît pas ou très peu n'est pas nécessaire à l'action), "fantaisie" (ici dans un sens restreint: il s'agit des oeuvres qui, dans leur traitement (dessin animé, traitement graphique particulier comme dans "300") comme dans leur propos (films de divertissement), utilisent des éléments qui sont perçus par leur public comme non-plausible; Le "fantastique" enfin est l'utilisation comme moteur principal de l'oeuvre de situations clairement impossibles.

la première liste d'oeuvre à laquelle on passera ce crible est le résultat du box office américain en terme de chiffres d'affaire en 2007. Ce choix est fait par la place dans la référence collective qu'occupe le cinéma, à cause de la taille du public concerné, et parce qu'il s'agit d'un bon critère d'évaluation de l'engouement du public pour des thèmes qui raisonnent en lui. Sur les 20 premiers films du Box office on trouve les résultats suivants:

- Cadre temporel: Oeuvres se situant dans le passé: 2, dans le présent: 15.
- Cadre géographique: Oeuvres se situation dans l'aire culturel: 14, exotique: 3
- Genre: Oeuvres de fantaisie ou fantastique: 18 dans les 20 premiers, dont 10 sur les 10 premiers.

On trouve des résultats similaires sur les données des films en France ouvrant la voie sur la caractérisation d'un imaginaire propre aux société occidentales.

Pour les 10 plus gros succès des films réalisé en 1989 on ne compte que 3 films d'époques et 2 films réalistes. On peut ainsi montrer en répétant ce crible au fil des années que cette tendance est une tendance longue nées entre 1950 et 1970.

Quant au pourquoi la société occidentale moderne ressent un tel besoin d'un imaginaire fantastique, il s'agit d'une question qui suggère des réponses plus ou moins faciles mais qui sortent du cadre de cette enquête.

vendredi 1 août 2008

L'imaginaire des sociétés occidentales

Toutes les sociétés utilisent majoritairement leur passé, historique ou non, dans la construction de leur imaginaire collectif. Ce passé peut soit servir de référence comme valeurs fondatrices, souvent supposées corrompues au moment ou l'auteur s'exprime, soit servir de cadre à des héros aux préoccupations plus contemporaines et servir ainsi à faire accepter ou à mettre en relief ses propos. Ainsi, les Grecs étaient passoionnés par leur mythologie fondatrice, et les Romains aimaient à citer Enée et les héros de la République, Les hommes du Moyen Age s'intéressaient aux héros de la table ronde, la Renaissance et le Classicisme au source de leur civilisation que le XIXème siècle occidental chercha dans d'autres traditions germaniques ou chevaleresque.(1)

Mais le XIXème marque également un tournant, avec, avec pour la première fois, dès le second quart du siècle (2) mais surtout dans ses 30 dernières années(3), la tentative commune aux artistes de premier plan de dresser un panorama complet de la société contemporaine(4). Transition qui s'ouvre sur les débuts de l'exotisme, de l'anticipation du fantastique(5) et débouche, dans la seconde partie du XXème siècle, sur un regard majoritairement tourné vers le présent et le fantastique (6).

La rencontre de ces deux antagonistes est a priori assez déroutante. L'une évoque le quotidien, l'autre l'évasion. On peut imaginer que la force de l'évasion est plus forte quand elle est mêlée à notre univers quotidien mais c'est la une expliation parmi d'autre. Ce qui importe, c'est que c'est un phénomène à la fois massif et tout à fait particulier à notre société occidentale moderne.

En effet, elle est très peu présente dans les oeuvres orientales(8) à l'exception notable du Japon(9), toujours très imprégné du passé et n'abordant le présent qu'avec prudence.

On soulignera que la différence est de taille: les héros du passé forment un imaginaire collectif qui à la fois inspire mais conditionne. Le fantastique ouvrent a priori sur une liberté plus grande ou l'individualité, le moi, peut être valorisé à l'extrême dans le personnage de super-héro. Et pourtant, tous les héros se ressemblent beaucoup (10) refermant ainsi de manière particulièrement frustrante la liberté d'invention qui vient de s'ouvrir.

On pourra également trouver dans l'évolution de l'imaginaire collectif brièvement décrit plus haut, un critère soutenant des termes souvent employés sans fondement pour caractériser des sociétés : Classique (imaginaire collectif tourné vers le passé), Moderne (tourné vers le présent), Post-Moderne (tourné vers le fantastique). Mais je tiens à souligner que le terme d'Evolution doit être pris dans un sens proche de celui qu'entendent les spécialistes en Biologie. Rien dans ce qui est décrit ici ne justifie que cette évolution soit moralement positive. Il ne s'agit ici que de clarifier une dénomination servant à définir un stade de société, si tant est que les sociétés passent par ces mêmes stades, ce qui me parait encore à vérifier. Se pourrait-il en effet qu'emergent en Chine en Inde ou dans les pays du Golf des sociétés technnologiquement avancées à l'imaginaire collectif encore tourné vers le passé ?

--- Notes ---

(1) On pourra reprocher le parti pris de ce paragraphe sans d'avantage d'explication. Je ne souhaite pas transformer cet article en un article scientifique mais je vais exposer ici un moyen de vérifier mes affirmations. je propose en effet l'utilisation d'un crible que je détaillerai dans le prochain post.

(2) Notamment avec Honoré de Balzac et sa Comédie Humaine,

(3) Une foule de nom surgissent à l'esprit: Le naturalisme en littérature, le réalisme, puis l'impressionisme en peinture.

(4) La difficulté d'une telle affirmation tient évidemment dans qui considère-t-on comme un artiste majeur. Le XIXème siècle à produit jusqu'à son extrême fin des oeuvres très "classiques" dans leur facture (ce que j'appelle ici des oeuvres faisant appel au passé) qui furent très célèbres en leur temps et c'est notre lecture tardive et sélective qui nous fait apparaître la production des oeuvres tournée vers le présent comme celles de premier plan. Mais nous pouvons nous convaincre que quel que soit la place que ces artistes occupaient dans le volume de production de leur époque, ils ont été les plus influents sur le devenir de la création artistique, méritant ainsi l'appellation de "majeur". Je me bornerais ici à démontrer ce que j'avance pour le virage pris par la société occidentale mais on pourrait facilement créer un crible semblable à celui que je mets en place pour en faire une vérification avec les auteurs de chaque période.

(5) On pense par exemple à Pierre Loti, Jules Vernes et le Maupassant du Horla.

(6) [In 2007] Nine of the Top 10 grossing films were science fiction, fantasy or animation.
http://www.nytimes.com/2008/01/02/movies/02year.html
Voir à ce sujet le crible analysé dans le prochain post.

(7)

(8) On prendra pour exemple que les premiers films chinois au box office pour l'annee 2007 sont: The Warlord, un film situé pendant la dynastie des Tang et Lust, Caution un film reconstituant l'athmosphère des années 30.
http://news.xinhuanet.com/english/2008-01/08/content_7386466.htm

(9) Notamment par le poids des Mangas dans l'imaginaire Japonais.

(10) Je pense ici bien évidemment au stérotypes du cinéma américain alors que les mangas japonaises, bien que n'était pas dénués de stéréotypes (la jeune fille à la lisière de l'adolescence comme héroïne), offrent des espaces imaginaires de masse bien plus riches. Voir par exemple les films de Miyasaki.

jeudi 31 juillet 2008

Aphorisme, II

Le dilettantisme est la plus belle façon de vénérer la nature dans toutes ses manifestations.

Aphorisme, I

Le but de la photographie ? Prolonger l’extase, indéfiniment.

Le Latin aujourd'hui

Pourquoi la plupart des traductions disponibles en français des auteurs latins ont-elles ce goût de composition scolaire? Est-ce parce que justement on ne les a rencontré qu’en classe et qu’elles gardent le souvenir amer des versions à préparer ? Est-ce parce que la langue latine et d’une simplicité qui ne peut être rendue en Français sans évoquer les phrases d’un collégien ? Ou bien serait-ce que nul écrivain contemporain ne s’est jamais mêlé de traduire du latin ? A défaut de belles traductions, les auteurs latins restent confidentiels, connus de beaucoup, achetés par les écoliers, surlignés sur les premières pages, intact à partir de leur seconde moité, jaunissant sur une étagère ou dans un carton à la cave. Est-ce parce qu'une citation latine donne l'impression de s'adresser à une élite, formée dès l’enfance, et dont un signe de reconnaissance est d'avoir été sensibilisé à une langue morte qu'on en trouve pratiquement nul part? Et pourtant les Anciens ont tout écrit, en tout cas tout ce qui fait la grandeur et la bassesse de l'homme. Après Cicéron, Ovide ou César, après leurs grands imitateurs de la Renaissance et du Classicisme, après la parenthèse fulgurante d'une moitié de siècle qui se positionna en réaction aux valeurs liées à une antiquité qu'elle détestait et adorait en même temps, il ne reste plusà l'écrivain moderne en quête d'originalité, que la pénible tâche de décrire un quotidien banal et sans relief, traversé par un sexe monotone ou vulgaire, seul remède à l'ennui. Ou en tout cas, à ce qu'il semble, en parcourant le panorama des stars récentes du monde littéraire. Il me semble pourtant qu'il reste à réinventer une littérature qui pourrait mêler classicisme dans son aspiration et modernité dans son traitement et qu'un tel parti-pris pourrait nous porter enfin vers un nouveau chapitre de cet art.

mardi 29 juillet 2008

Sur le pont de Brougham


Sur le pont de Brougham une femme couvre d'un regard à la fois irrité et résigné la calvitie croissante de son mari, penché sur la rambarde, fixant de blanchâtres rayures comme des cicatrices sur la pierre grises. Cet homme respecté, ce chevalier honoré, n'a d'égard ni pour elle, ni pour les passants, ni pour le canal qui roule ses eaux sombres, ni pour son pantalon de bonne coupe qui frotte contre la pierre mouillée, ni pour sa main droite, fermée sur un canif ébréché, dont la peau par endroit erraflée tremble encore de l'effort qu'elle vient de fournir.

Dans un accès de génie qui ressemble à l'extase, il vient de graver sur une pierres de la rambarde un vers du langage des dieux :
i2 = j2 = k2 = ijk = − 1.

dimanche 27 juillet 2008

Sauvegarder l'essentiel de la culture humaine pour une archéologie future

Sommes-nous à la veille d'une destruction totale de l'humanité ? Des gens très sérieux se penchent régulièrement sur cette question, comme les fameux concepteurs de l'horloge de la fin du monde (doomsday clock) de l'université de Chicago. Celle-ci évoque symboliquement la proximité d'une guerre nucléaire avec pour conséquence une destruction totale de notre espèce. Elle indique, alors que j'écris ces lignes (2008), 5 mn avant minuit, une position que qu'elle n'avait pas eu depuis 20 ans.

Cette horloge est bien entendue entièrement symbolique car la probabilité de tout événement futur dépendant de processus mentaux n'est pas quantifiable, (de tels évènements appartiennent à l'ordre des "black swans" chers à Nassim Nicholas Taleb) sans même parler de quantifier la probabilité d'un tel évènement sur une échelle temporelle. Mais ce qui compte ici n'est pas d'estimer la probablité d'une apocalypse pour l'espèce humaine; ce qui compte c'est que cette possibilité existe et je pense qu'il y a à ce sujet un concensus assez large.

A partir du moment où nous acceptons cette possibilité se pose la question de comment conservation un certain nombre d'éléments représentatifs de la civiliation humaine (civilisation ici dans le sens des produits mentaux qui séparent l'homme de l'animal) au delà de la fin de l'ère humaine. Mais avant de pouvoir répondre à cette questions, deux hypothèses doivent être formulée : d'une part, qu'il existe dans l'univers une civilisation qui puisse un jour recevoir et interprêter les éléments conservés et d'autre part que l'univers n'est pas gouverné par un quelconque principe ou essence de nature immanente qui rende cette conservation inutile. En l'état actuel de nos connaissances (et notamment de la découverte de nombreux systèmes planétaires hors de notre système solaire), il me semble raisonnable d'une part de "parier" sur la première hypothèse et d'autre part de prendre les mesures nécessaires dans le cas où la seconde ne serait pas valable.

Qu'est il souhaitable de conserver de notre civilisation? Un livre récent se préoccupe de savoir ce qui resterait de notre monde à différents horizons si nous en étions absent. Mais nous irons ici plus loin en postulant soit un cataclysme ravageur et/ou un temps géologique suffisamment long pour que toutes traces de notre passage sur cette planète soit irrémédiablement effacé. En effet, la guerre nucléaire n'est pas la seule source possible de notre disparition et une famille de virus, un météore ou un effondrement du taux de natalité pourrait également faire l'affaire (néanmoins ces hypothèses sont à préférer car elles permettraient à notre planète de continuer à supporter la vie, sans nous certes, mais au bénéfice d'autres espèces). Avec de tels hypothèses et sans une volonté active de notre part de sauvegarder ce qui peut l'être, il serait très difficile à un civilisation extraterrestre de se faire une idée de ce qu'était l'homme, du développement de ses capacités intellectuelles et des civilisations qui ont résultés.

On pourra ici objecter d'une part qu'il y a peu à conserver sur un plan moral d'une civilisation qui après tant de guerres aura finalement réussi à se détruire totalement (ou n'auras pu se prémunir contre des fléaux qu'il aura lui même contribué à créer) ; et d'autre part que l'hypothèse de la civilisation extraterrestre analysant des vestiges de notre civiliation suppose sa maîtrise d'un tel niveau technologique que l'ensemble de notre savoir scientifique aura pour eux très peu d'interêt.

Et pourtant on peut légitimement penser qu'une civilisation extraterrestre sera intéressée par ce qui fut l'expérience humaine de la civilisation, de nos égarements comme de nos réussites, comme nous sommes nous même intéressé à toutes les civilisations mortes ou bien périphériques aux grandes aires culturelles actuelles. Si nous demandions à Levi-Strauss ce qui l'a conduit à s'intéresser aux tribus amazoniennes, nous aurions certainement une réponse du type que toute expérience culturelle nous met dans en position de nous extraire de notre propre milieu culturel et de pouvoir porter un nouveau regard sur soi.

Par ou commencer notre sélection? Pour que les vestiges soient interprétables, il faut tout d'abord donner aux Champollion et Ventris du futur les moyens de comprendre nos langues. A ce sujet, les mathématiques forment un point de départ idéal, car doué de la propriété d'être à la fois existant et d'être le plus abstrait de nos systèmes. Existant car les objets tels que triangles ou cercles et leur propriétés mathématiques seront assurément connus de nos archéologues du futur et suffisamment abstrait pour que leur interprétation ne souffrent pas du manque d'exemple (par comparaison, il faudra tout un descriptif pour décrire un animal comme l'éléphant s'il n'existe plus à cette époque et s'il est inconnu, comme il est probable, des archéologues). Les mathématiques vont permettre de faire découvrir à nos archéologues les premières aspects de la lingua franca (c'est à dire de la première langue de travail qui aura été choisie préalablement; sans doute l'anglais), aspects qui découleront de la description dans cette langue des nombres, des figures géométriques, des opérations, etc. Par le terme aspect, je pense aux lettre, syllabes, mots, fonctions grammaticales, etc. Dans un deuxième temps, la chimie et la physique vont permettre de mettre en relation tous les mots concernant les matériaux ainsi que de donner, déjà, les limites de notre conception du monde. L'étape suivante est le dictionnaire permettant de retrouver le vocabulaire globale de la langue ainsi que ses règles. Une encyclopédie la plus complète possible pourra ensuite donner l'expression la plus synthétisée de la culture humaine. Et enfin, la traduction de cette encyclopédie dans d'autres langues permettra entre autre à nos archéologues d'avoir une idée sur l'étendue de nos diversité culturelle.

Ce projet peut paraître à première vue ambitieux. Et pourtant une information ainsi structurée existe bel et bien déjà: il s'agit de la base de donnée de l'encyclopédie ouverte Wikipedia et des autres projets wiki qui lui sont associés. Il suffirait donc de copier la base de donnée wikipedia sur un support durable pour réaliser ce programme ce qui est assuremment à notre portée.

Pour assurer la meilleure chance de sauvegarde de cette mémoire de l'humanité, il est sans doute souhaitable que le support soit copié en plusieurs exemplaires qui seront envoyés dans l'espace au moyen de sondes en orbite dans le système solaire voire, pour certains, projetés au dela de ce système. On pourra en outre déposer un exemplaire sur la lune. Chacune de ces copies seraient associés à un émetteur de signal, une balise qui augmentera les chances de découverte. Le processus pourrait être répété tous les 25 ou 50 ans afin de tenir compte des derniers évènements dans notre monde et de la croissance de wikipedia. En outre, grâce au progrès technologique, le support ainsi que les véhicules pourront être améliorés.

dimanche 24 février 2008

En solidarité avec Kurt Westergaard

Le 12 février dernier, la police danoise arrête trois hommes (deux tunisiens et un danois d'origine marocaine) suspectés de planifier l'assassinat de Kurt Westergaard, le dessinateur de la caricature "la bombe dans le turban".

Le jour suivant, Jyllands-Posten ainsi que beaucoup d'autres journaux danois réimpriment la caricature en solidarité, comme nous le faisons sur ce blog.

Une abondante littérature existe sur la publication de ces caricatures. Nous renvoyons le lecteur au très bon article de Wikipedia en français [1] sur les possibles instigateurs des réactions soulevées dans le monde musulman et de leurs motifs et nous nous bornerons seulement à un inventaire non exhaustif :

Les victimes :
  • Le 30 janvier 2006, le chef spirituel des Frères musulmans appelle les musulmans du monde « à boycotter les produits du Danemark et de la Norvège, et à prendre des mesures fermes. » La population saoudienne entame alors un boycott des produits danois, en signe de protestation contre ces dessins et, dans la région du Golfe, plusieurs supermarchés ont retiré les produits alimentaires danois des étals à la suite de plaintes de clients. La Fédération des industries danoises précise que les entreprises danoises menacées par ce boycott sont le groupe laitier Arla Foods, pharmaceutique Novo Nordisk, le fabriquant de pompes Grundfos et les jouets Lego.
  • Les responsables de Magazinet et de Jyllands-Posten et les caricaturistes reçoivent des menaces de mort à la suite de la publication des dessins. Jyllands-Posten doit évacuer son siège d'Aarhus (centre du pays) et sa rédaction de Copenhague, en raison d'une alerte à la bombe. De son côté, la Croix-Rouge danoise a annoncé l'évacuation de deux de ses employés de Gaza et d'un du Yémen.
  • France-Soir est le seul journal français à publier les dessins le 1er février 2006. Jacques Lefranc, président et directeur de la publication limogé le jour même. Son remplaçant, Éric Fauveau, démissionne le lendemain.
La peur :
  • Libération: « les dessins nous ont semblé d'un niveau médiocre, tant sur le fond que dans la forme, et aucun d'entre nous n'a eu envie de les voir dans notre journal ». Libération publiera plus tard deux caricatures.
  • La presse duRoyaume-Uni prend la décision volontaire et unanime de ne pas publier les caricatures afin de ne pas attiser un climat de défiance envers les différentes communautés du Royaume, cela, en dépit de la crise qui agite d'Europe.
  • A noter que l'édition française de Wikipédia relatif aux caricatures ne présente pas les caricatures à ce jour, alors que l'édition anglaise les publie. A ce jour, sur les 30 langues où un article est disponible sur le sujet, seules 7 d'entre elles proposent une reproduction des caricatures : l'anglais, le gallois, l'hébreux, le luxembourgeois, le serbo-croate, le vietnamien et le chinois traditionnel.
Les opportunistes :
  • Le groupe suisse Nestlé fait publier à la une du quotidien panarabe Asharq al-Awsat une publicité précisant que son lait en poudre n'était « ni produit au Danemark, ni importé du Danemark »
  • La chaîne d'hypermarchés Carrefour cesse de distribuer des produits danois dans les pays du Moyen-Orient où elle est implantée. Des panneaux placés dans ces supermarchés et dans les rues de nombreuses villes arabes annoncent (par exemple en Égypte) : « Chers Clients, Nous exprimons notre solidarité avec la communauté islamique égyptienne. Carrefour ne vend pas de produits danois ».
  • Le porte-parole du département d'État américain, Justin Higgins […] déclare : « Ces caricatures sont évidemment blessantes pour les croyances des musulmans. […] L'incitation à la haine religieuse et ethnique n'est pas acceptable. […] Nous reconnaissons tous et nous respectons complètement la liberté de la presse et de l'expression, mais elle doit s'accompagner de la responsabilité de la presse » ce qui semble pour le moins curieux lorsqu'on se rappelle qu'un autre porte parole, Scott McClellan, rappelait quelques mois plus plus tot que «les Etats-Unis sont pilotes pour promouvoir et défendre la liberté et l’indépendance de la presse dans le monde et le resterons» lors du scandale sur la désinformation organisée en Irak[2].

La grandeur :
  • L'éditorialiste de France-soir écrit au sujet de la publication des caricatures :« Non, nous ne nous excuserons jamais d'être libres de parler, de penser, de croire… Puisque ces docteurs autoproclamés de la foi en font une question de principe, il faut être ferme. Clamons-le autant qu'il le sera nécessaire, on a le droit de caricaturer Mahomet, Jésus, Bouddha, Yahvé et toutes les déclinaisons du théisme. Cela s'appelle la liberté d'expression dans un pays laïque. »
  • L'ancien grand mufti de Marseille, Soheib Bencheikh, déclare « je trouve inadmissible de rester l'otage d'une horde de fanatiques qui, au lieu de répondre par le dialogue, répondent par la violence » a-t-il affirmé, expliquant que « c'est grâce à la liberté d'expression que l'islam se défend, que moi-même je peux à tout moment et quand je veux exposer mon message ».[3]

[1]. Toutes les citations de cet article sauf mention contraire sont tirées de Wikipedia, "Caricatures de Mahomet du journal Jyllands-Posten", version du 23 février 2008 à 18:02 Salebot.
[2]. Olivier Péguy, "une « désinformation » organisée", RFI , 03/12/2005.
[3]. Nous invitons les lecteurs à proposer d'autres références pour chacune des catégories.

vendredi 22 février 2008

De l'embargo culturel.

Dans un tout récent article du Monde (1), Marek Halter s'en prend à la pétition lancée par un groupe d'intellectuel "pour le boycott des écrivains israéliens invités d'honneur cette année de la Foire Internationale du livre de Turin". Ce boycott, destiné "à punir une littérature pour la politique d'un gouvernement" est ensuite rapproché des persécutions de Caligula, de l'inquisition espagnoles et des autodafés nazis car "tous ceux qui voulaient la mort des juifs étaient-ils amenés à commencer par détruire leurs livres."

On remarquera dans cet article d'un écrivain qui se dit "horrifié" (il était déjà en colère; il y a moins de chemin à faire), qu'il ne cherche à aucun moment à imaginer quels pourraient être les raisons d'un tel boycott. Par contre, le crime est encore rapproché de "ceux qui veulent la destruction d'Israel" et des "étudiants négationnistes de Rome". Point n'est besoin de décrire d'avantage cet article ; superficiel et enflé, il donne un goût amer comme chaque fois que l'histoire tragique de la persécution des juifs, et particulièrement du crime à nul autre pareil de la Shoah, est utilisée avec indécence, en exploitant la sympathie que l'on éprouve naturellement pour ses victimes, pour justifier ce qui ne les concerne en rien comme, par exemple, la politique actuelle de l'Etat d'Israel.

On reviendra plutôt sur le fond du problème : à savoir faut-il utiliser l'arme de l'embargo artistique contre un pays dont la politique à fait l'objet de sévères condamnations sur la scènes internationales et qui refuse de se soumettre aux résolutions du conseil de sécurité de l'ONU ?

Ces lignes n'ont pas l'ambition de déterminer si un embargo économique est de nature à changer la politique menée par un gouvernement et si une telle action est souhaitable. Divers cas récent (l'Afrique du Sud, la Yougoslavie, l'Irak, l'Iran) plaident pour des opinions diverses. Par contre il nous apparaît évident qu'un embargo culturel à l'encontre d'un pays ne peut être que contre-productif et cela pour deux raisons :
- d'une part on prend le risque d'étouffer les voix qui dans le pays plaident pour le changement;
- d'autre part, en réprimant la création artistique, on réprime aussi la liberté d'expression et l'on renforce ainsi le pouvoir des tyrans. Pire, la culture constituant, avec justesse, la fierté d'un peuple, le refoulement de l'expression artistique ne peut manquer de rassembler les citoyens dans l'incompréhension et la condamnation des sanctions et dans un sentiment de persécution; deux sentiments propres à faire perdurer l'état des choses dans ce pays.

On suggèrera peut-être de ne faire qu'un embargo sélectif : permettre certains artistes, certains auteurs (les bons) de s'exprimer à l'étranger et refuser les autres (les méchants). Idée séduisante mais qui aurait autorité pour cette censure ? Les pays du conseil de sécurité ? L'ONU ? La réponse est que la censure est par elle-même débilitante (en ce qu'elle être contenu dans aucune limite; un précédent de censure artistique aboutira bientôt à la volonté de l'étendre à d'autres secteurs) et qu'il vaut mieux laisser diffuser du matériel artistique même politiquement condamnable plutôt que de perdre son âme à censurer.

En résumé, l'auteur de ces lignes s'oppose à la pétition soutenant un boycott des écrivains israéliens à Turin. Ce moyen de pression est au mieux dangereux, au pire contre-productif. On en déduira un principe de la liberté de création artistique que l'on formulera ainsi :
Un artiste peut se mêler de politique mais un politicien ne devrait jamais se mêler d'art.

(1) Marek Halter, 'Au secours, on brûle les livres !', Le Monde, 15 février 2008.

lundi 18 février 2008

Le droit à l’image et ses limites

La querelle du droit à l’image a ressurgit dernièrement en touchant directement l’homme le plus médiatique du moment et sa toute nouvelle épouse. Le Monde (1) relate cette affaire en précisant : « Le juge des référés Louis-Marie Raingeard a estimé que la publicité publiée par Le Parisien, le lundi 28 janvier, portait atteinte au droit à l'image de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni car elle n'avait pas été autorisée ». Un peu plus loin, il est fait mention que : « Le tribunal a accordé au chef de l'Etat l'euro symbolique qu'il demandait et 60 000 euros à Carla Bruni pour dommage patrimonial et moral ». Celle-ci demandait 500 000 euros de provision pour le préjudice subi dans son activité professionnelle de mannequin, auteur, compositeur et interprète de talent. »

Un Euro pour M. Sarkozy, soixante mille pour Mme Bruni. Il est à nouveau prouvé qu’en ce qui concerne la rémunération, il vaut mieux être modèle que président. Mais au fait, quelle est ce fameux « droit à l’image » revendiqué par Mme Bruni ?


Dans un excellent article de synthèse (2), Emmanuel Pierrat nous apprend que :

« Le droit à l'image n'est reconnu expressément par aucun texte de loi. Ce droit n'est en réalité que le fruit d'une lente construction de la jurisprudence. »

Il en fait par ailleurs l’historique :
« C'est véritablement dans les années 70 qu'on a assisté à une véritable inflation des procès en droit à l'image [...] en partie lié à la reconnaissance dans la loi d'un droit au respect de la vie privée. Par ailleurs, le développement de la presse people a suscité d'importants débats relatifs au droit des stars à protéger leur image et à en disposer. Cette montée en puissance du droit à l'image s'est traduite par des contentieux aux enjeux financiers de plus en plus substantiels... Et les simples particuliers se sont à leur tour jetés dans la bataille au cours des années 80. Quant aux propriétaires de biens, ils ont commencé véritablement d'agir en justice avec succès à la fin des années 90. »

Et il ajoute :

« L'entier régime du droit à l'image constitue [...] une entorse au principe de la liberté d'expression, pourtant garantie par de nombreux textes, au premier rang desquels l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, toujours en vigueur en droit français. Le droit à l'image, [...] est une forme de censure moderne. »

Compte tenu de la menace que peut représenter la dérive du droit à l’image pour la liberté d’expression, l’auteur de ces lignes milite pour l’abandon des revendications d’un tel droit et son remplacement par un droit de compensation à l’utilisation de l’image. L’évaluation du montant de ce droit s’appuierait sur une sommation de termes positifs et négatifs selon l’objet de l’utilisation de l’image. Nous proposons les critères suivants :
1. La notion d’exploitation commerciale (terme positif) : Pour mesurer ce critère, il suffit d’évaluer le gain réalisé par le commanditaire par l’utilisation de l’image du sujet exposé. En associant le sujet non consentant à ce gain jusqu’au maximum de sa valeur estimée, on obtient le même effet que le dédommagement actuellement réclamé. Selon ce critère, il est logique qu’une star demande une compensation très supérieure à celle d’un simple particulier car la star fait d’avantage vendre le support du commanditaire.
2. La notion d’information (terme négatif) : La liberté de la presse repose sur la liberté d’apporter une information et d’en tirer un profit. La valeur d’information véhiculée par l’image doit donc venir en déduction de la notion commerciale au point de la réduire à néant dans la plupart des cas.
3. La notion artistique (terme négatif) : lorsque l’image présente des caractéristiques artistiques évidentes (on pense au couple photographié par Robert Doisneau en train de s’embrasser), celle-ci réduit le critère commercial au point de le réduire à néant s’il peut se justifier d’un but purement artistique.
Remarquons que nous ne retenons pas les notions de décence (photographie d’un cadavre par exemple) ni de conséquence de l’exposition médiatique de l’image (cliché de conjoint avec un ou une autre provoquant des ruptures de couples). Celles-ci nous semblent par nature trop subjectives pour ne pas présenter de risque à la liberté d’expression. Mais le mécanisme mis en place au travers de la notion n.1, si il repose sur une véritable évaluation économique des retombées pour le commanditaire, nous semble à même de présenter un degré de dissuasion suffisant pour éviter la plupart des excès.

Dissuader sans jamais interdire. Voici la philosophie que l’on aimerait voir appliquer dans les cas extrêmes de la liberté d’expression.


(1) Le Monde, ‘Carla Bruni obtient 60 000 euros en justice contre Ryanair’, 05.02.08. Les italiques de l’original ont été supprimés.

(2) Emmanuel Pierrat, Sciences humaines, Hors-série N° 43 - Décembre 2003/Janvier-Février 2004 . Tous les passages en italique sont des citations.

vendredi 15 février 2008

La censure corporatiste

La controverse fait rage à l'éducation nationale et pour une fois il ne s'agit pas d'une nième réforme du gouvernement. La cause de tout ce remue-ménage est un site, note2be, dont le concept est de donner la possibilité aux élèves de noter les profs. Evidemment, cela dérange. Le Monde (1) cite le rapport Attali: "l'évaluation des professeurs ne peut pas reposer uniquement sur les notes qu'obtiennent leurs meilleurs élèves ni sur l'examen d'inspecteurs (…) Elle doit aussi reposer sur une évaluation de leur pédagogie par leurs élèves" et également une phrase du site: "Prends le pouvoir, note tes profs !" qui peuvent alimenter les arguments de chaque camp. Que le site soit heureux ou non est l'objet de vives discussions. On se réjouira de la création d'un site contrenote2b qui fait également porter la controverse sur la toile. Se pose également le problème de la légalité du site et au moins trois plaintes, selon le décompte du Monde, ont été déposées. A la justice de trancher.


Tout ceci est sain et montre que le débat reste possible, même concernant le plus grand employeur de France. Une assignation en référé menaçait déjà ce bel affrontement : une action assez étonnante car le caractère d'urgence de la fermeture du site paraît léger. Mais c'était encore insuffisant pour un certain nombre de professeurs : désormais circule une pétition invitant à la fermeture du site.

Or c'est là pousser le bouchon un peu loin : car la pétition est d'abord le symbole de l'action pacifique dans les revendications asymétrique, lorsque la personne ou l'autorité mise en cause détient une force de répression (dans le cas par exemple des pétitions pour la fermeture de Guantanamo) ou bénéficie d'une situation financière et d'un accès médiatique considérable (cf. la pétition de RSF pour convaincre Jerry Yang de Yahoo! de ne plus censurer son site en Chine sur des mots clés tel que 'démocratie' ou 'droit de l'homme') comparée à ceux qui se sentent lésés et/ou qui veulent agir. Mais rien de tout cela dans le cas présent. La pétition est ici utilisée par un groupe bien structuré (le corps enseignant) profitant de son homogénéité pour s'attaquer à un particulier ou à une entreprise dont on ne peut surestimer l'accès médiatique (elle-même résultant en partie de l'attaque menée par les enseignants !) Recourir à la pétition, c'est dans ce cas, tenter de faire pression sur le pouvoir et l'opinion en se servant, non pas de l'argumentation et de la logique, mais de la force du corporatisme. Il s'agit d'impressionner par le nombre, de montrer une détermination qui fasse peur à la classe politique au point de lui faire prendre immédiatement parti sans fondement légal. La réaction de M. Darcos : "[Je] condamne avec fermeté l'ouverture de tels sites et tient à rappeler que l'évaluation des professeurs et leur notation sont du ressort exclusif de l'éducation nationale et, plus précisément, des fonctionnaires habilités pour ce faire : les inspecteurs et les chefs d'établissement" est à ce sujet atterrante pour un ministre en exercice ; elle ne peut qu'inciter les corporatismes à poursuivre dans de tels procédés.

En se posant en victime et en recourant à la pétition, les professeurs usent de moyens qui n'ont pas lieu d'être dans une démocratie en fonctionnement et qui devrait seulement être réservés pour les cas les plus graves. En y ayant recours, ces professeurs censés ouvrir l'esprit de leurs étudiants utilisent un instrument coercitif dans un but de censure. Mesdames, Messieurs de l'Education Nationale : on attendant mieux de vous. Renoncez à cette pétition et montrez que vous placer le débat sur le domaine de l'argumentation et du bien public. Vous en sortirez grandi.


(1) Source: Olivier Dumons, Le Monde, Zéro pointé pour un site de notation des professeurs, 14.02.08.

Un cas de censure mondaine

Voici une histoire typique qui anime les conversations autour d'un verre, fait vendre les journaux à scandale, alimente les chat rooms, bref, fait tourner une partie de l'économie. Tous les ingrédients y sont réunis : sexe, mensonge et vidéo, star en larme qui demande les excuses du public, protagonistes qui voient leur réputation souillée et leurs contrats rompus, etc. . Les faits sont simples : un des plus célèbres acteurs hongkongais, Edison Chen, semble avoir pris des photos et au moins une vidéo de huit femmes célèbres (actrices, chanteuses, femmes d'affaires) du territoire alors qu'il partageait leur intimité. Les photos étaient sauvegardées sur un ordinateur portable, lorsqu'un employé indélicat a profité de la réparation dudit ordinateur pour en faire une copie. Ces photos ont depuis été diffusées, provoquant scandale.

Histoire croustillante ou invraisemblable (mais comment peut-on se faire photographier dans une telle situation quand on est une célébrité ?) suivant les avis, qui n'a pas vraiment de place sur ce blog. Sauf que les réactions des autorités soulevées par cette affaire représente un cas d'école de censure qu'on pourrait qualifier de mondaine : la protection de l'élite par l'autorité au mépris de la loi. Ainsi, selon Apple Daily, (1) le chef de la police de Hong Kong, M. Tang King-shing déclara que la possession de nombreuses photos obscènes pouvait être considérée comme une intention de les distribuer (la mise en ligne de documents à caractère pornographique est illégale à Hong Kong), un propos amendé plus tard devant le tollé qu'il avait provoqué. Un des ses assistants précisa que les photos peuvent être vues et envoyées par email entre amis sans enfreindre la loi. Dans un article du New York Times (2), il est signalé sans autre explication que les autorités d'une province chinoise avertirent les résidents que participer à la diffusion des photos pouvait être puni de trois ans de prisons. On aurait aimé savoir quelle province et la source de cet avertissement.

Alors évidemment, pour déplaire à M. Tang King-shing, voici un site depuis lequel vous pourrez télécharger les photos (mineur s'abstenir) !

A bon censeur, salut !



Source:
1. Je n'ai pu vérifier l'article original d'Apple Daily, mon chinois traditionnel étant laborieux. Merci à un lecteur s'il pouvait confirmer la source.
2. Geoffrey A. Fowler and Jonathan Cheng, New York Times (online edition), 'Sexy Photo Gate' Mesmerizes Hong Kong, China and Sparks Police Crackdown, Backlash, 15 Février 2008.